James Clerk Maxwell


L'unification du magnétisme et de l'électricité

Marc Leconte

En 1865, Maxwell unifie, à l'aide de quatre équations devenues mythiques, le magnétisme, l'électricité et l'optique, domaines jusqu'alors distincts. La voie est désormais ouverte pour la télégraphie sans fil, la radiodiffusion et, plus tard, le développement de l'électronique.

 

 

Ci contre : James Clerk Maxwell (1831–1879).

 

Dès l’Antiquité on connaissait l’ambre jaune, sorte de résine qui possédait des propriétés électrostatiques. Quand il était frotté, il attirait les corps. En grec, « ambre » se dit elektron : c’est l’origine du mot « électricité », apparu vers 1733. À cette époque, on étudie l’effet de l’électricité sur les corps obtenu en les frottant avec des tissus ou des peaux de chat. La science de l’électricité s’est peu à peu constituée à partir de simples observations des phénomènes de la nature.

Le magnétisme se développe parallèlement ; la boussole en est la première application. C’est au XVIIIe siècle que les phénomènes sont quantifiés par des expérimentations novatrices. La loi d’inter-action des masses électriques et magnétiques avait été suggérée par quelques savants à cette même époque. C’est finalement Coulomb qui l’établit par une série d’expériences d’une remarquable précision, présentées de 1785 à 1791.

 

La loi de Coulomb

À gauche : Charles-Augustin Coulomb (1736–1806).
À droite : Michael Faraday (1791–1867).

Durant un demi-siècle, les expériences de Coulomb avec la balance à fil de torsion seront décrites dans les traités d’électricité comme fondement des sciences électriques. 

Il a ainsi découvert en 1785 une loi (qui porte depuis son nom) permettant de calculer la force exercée mutuellement par deux charges électriques ponctuelles. Cette force a pour expression, pour les charges q et q0 :

  \( \overrightarrow f = \dfrac {1}{4 \pi \varepsilon _0} \dfrac{qq_0}{r^2} \overrightarrow u.\)

 Cette loi représente l’un des piliers de l’électricité ; elle formalise, comme avant elle la gravitation de Newton, une action à distance sans contact. Le terme ε 0 est une grandeur appelée permittivité diélectrique du vide et r est la distance entre les charges ; on obtient une interaction en r 2, dite coulombienne. Pour cette raison, Coulomb a donné son nom à l’unité de mesure de la charge électrique.

En 1865, Maxwell va unifier le magnétisme, l’électricité et l’optique, domaines jusqu’alors séparés sur le plan théorique. Comme Faraday, qui était le plus grand expérimentateur de son époque, Maxwell pense alors que les interactions entre deux corps éloignés n’ont pas lieu par actions instantanées, comme suggéré par les lois de Newton (pour la gravitation) et de Coulomb (pour l’électricité), mais par l’intermédiaire de perturbations locales qui se propagent à vitesse finie. 

Suivant ces principes, et à partir des géniales expériences de Faraday, Maxwell va réussir à décrire les phénomènes électromagnétiques par quatre équations qui portent son nom. Ainsi, pour chaque grandeur, les équations de Maxwell décrivent pour deux d’entre elles les liens avec leurs sources. Pour les exprimer de manière compacte, il est utile de disposer de notations mathématiques adaptées. Ainsi, pour un champ \( \overrightarrow {\text V} \) , qui est un vecteurs à trois composantes

\( \overrightarrow {\text V} = (\text{V} _x, \text{V} _y, \text{V} _z)\) ,
la divergence de  \( \overrightarrow {\text V} \) , est le scalaire défini par 

\( \text{div}\, \overrightarrow {\text V} = \dfrac {\partial \text{V} _x} {\partial x} + \dfrac {\partial \text{V} _y} {\partial y} + \dfrac {\partial \text{V} _z} {\partial z} .\)  

Le rotationnel de  \( \overrightarrow {\text V} \)  est quant à lui le vecteur défini par 

  \( \overrightarrow {\text {rot}} \overrightarrow {\text V} = \left( \dfrac {\partial \text{V} _z} {\partial y} - \dfrac {\partial \text{V} _y} {\partial z}, \dfrac {\partial \text{V} _x} {\partial z} - \dfrac {\partial \text{V} _z} {\partial x}, \dfrac {\partial \text{V} _y} {\partial x} - \dfrac {\partial \text{V} _x} {\partial y} \right).\)

 

Pour  \( \overrightarrow {\text E} \) un champ électrique et  \( \overrightarrow {\text B}\) un champ magnétique, on peut établir les quatre équations suivantes : 

\( \text{div}\, \overrightarrow {\text E} = \dfrac {\rho} {\varepsilon _0}\)  : la source du champ électrique  \( \overrightarrow {\text E} \)  a pour origine une densité de charge ρ ;

\( \text{div}\, \overrightarrow {\text B} = 0\)  : il n’existe pas de charge magnétique ; 

\( \overrightarrow {\text {rot}} \overrightarrow {\text E} = \dfrac{\partial \overrightarrow {\text B} }{\partial t}\)  : exprime la relation du champ  \( \overrightarrow {\text E} \)  avec un champ magnétique variable (dérivé par rapport au temps) ; 

\( \overrightarrow {\text {rot}} \overrightarrow {\text B} = \mu _{0} \overrightarrow {\text J} + \varepsilon _0 \mu _0 \dfrac{\partial \overrightarrow {\text E} }{\partial t},\)  avec µ 0 la perméabilité du vide (qui est, comme ε0, une constante dimensionnelle) et  \( \overrightarrow {\text J} \) la densité de courant représentant une densité de charge par unité de temps : cette équation formule la relation entre le champ magnétique et ses sources éventuelles, courant électrique (à savoir  \( \overrightarrow {\text J} \) ) et champ électrique variable (dérivée de  \( \overrightarrow {\text E} \) ).

 

Les solutions pour  \( \overrightarrow {\text E} \)  et  \( \overrightarrow {\text B} \)  sont des équations de propagation ayant la même forme se déplaçant à la vitesse 

\( v = \dfrac {1} {\sqrt{\varepsilon_0 \mu_0}}.\)  

 

Maxwell a fait la remarque fondamentale que \( \sqrt{\varepsilon_0 \mu_0} = \dfrac{1}{c}.\) Cela signifie qu’à partir des deux constantes des lois de l’électromagnétisme, Maxwell retrouve la valeur numérique de la vitesse de la lumière c, ce qui entraîne que les ondes de Maxwell se propagent à la vitesse de la lumière et que, en conséquence, la lumière est une onde électromagnétique ! Avec cette remarque, Maxwell unifie, en plus, toute l’optique, qui traite des phénomènes lumineux, qui se trouvent dès lors assimilés à la théorie du champ électromagnétique.

Vers la télégraphie sans fil

Prévues théoriquement par Maxwell, les ondes électromagnétiques seront découvertes expérimentalement par Heinrich Rudolf Hertz en 1888, ouvrant la voie aux grandes découvertes technologiques du XX e siècle et aux grandes révolutions de la physique que sont la théorie de la relativité et la mécanique quantique. En effet, après la mise en évidence des ondes électromagnétiques, les ingénieurs les ont utilisées pour développer ce qui allait devenir d’abord la télégraphie sans fil, puis la radio. Progressivement, ce qui était transmis par fil avec le télégraphe (et, au fur et à mesure des progrès dans les transmissions, par les ondes) va être remplacé par une transmission en air libre des codes Morse. Les premiers brevets de la TSF datent en effet de la dernière décennie du XIX e siècle. L’expansion de ce domaine devait ensuite devenir exponentiel avec la radiodiffusion, la télévision, le radar et, de manière plus générale, le développement de l’électronique.

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