
En ce milieu du XIXe siècle, deux conceptions de la physique s’opposent. Une grande majorité de physiciens défendent une description phénoménologique de la mécanique ; on les appelle les énergétistes. Ils ont connu de grands succès, comme la théprie de Fourier (voir article "Joseph Fourier, Initiateur de la physique mathématique"), dans laquelle la chaleur est considérée et modélisée comme un fluide.
Au sommet de la tombe de Boltzmann est gravée la formule qui porte son nom.
La théorie cinétique des gaz
Boltzmann fait partie de la seconde catégorie, à l’époque moins nombreuse, les atomistes. Il ne cessera de critiquer les énergétistes, à propos desquels il parlait de l’« illusion phénoménologique », et tentera de développer une physique qui s’appuie sur l’hypothèse atomiste. Avec cet objectif, il s’attaquera à la théorie des gaz.
À gauche : Nicolas Léonard Sadi Carnot (1796–1832).
À droite : Rudolf Julius Emmanuel Clausius (1822–1888).
Au début du XIXe siècle, le modèle du gaz parfait obéit aux lois de James Prescott Joule et de l’abbé Edme Mariotte ; il ne considère que des transformations à pression constante, à volume constant ou à température constante. C’est une phénoménologie qui n’utilise que des grandeurs macroscopiques, la température et la pression. Au même moment, la thermodynamique de Sadi Carnot et Rudolf Clausius se développe, avec ses deux principes (voir FOCUS "Le principe ergodique"), et on découvre avec l’entropie l’irréversibilité des phénomènes thermodynamiques. À l’époque, les énergétistes s’opposent aux mécanistes, les premiers pensent que la chaleur est un fluide, les seconds pensent que l’hypothèse atomique peut retrouver les lois macroscopiques. C’est le cas de Boltzmann quand il élabore sa théorie cinétique des gaz. Constatant que, dans le cas d’un gaz, il est impossible de faire une prédiction du comportement individuel de ses constituants élémentaires, il a recours à une description statistique. L’idée principale et géniale de Boltzmann fut d’utiliser les démarches de la mécanique analytique de Lagrange et de Hamilton, qui utilisait les notions d’espace de phase représentant un système par un point dans un espace abstrait formé par les coordonnés de positions et de vitesse des constituants microscopiques.
Boltzmann définit la loi de répartition des vitesses pour rendre compte de l’état du gaz à chaque instant, et il calcule la variation en fonction du temps de la fonction de répartition f (M, V) des positions M et des vitesses V des molécules toujours dans l’espace des phases. Il considère alors une fonction H caractéristique de l’état du gaz enfermé dans un récipient fixe à un instant donné :
Cette expression porte le nom de théorème H
Boltzmann montre ensuite que cette grandeur ne peut que décroître vers un minimum correspondant à un équilibre statistique. À partir de la caractéristique irréversible de la grandeur H, Boltzmann déduit une nouvelle expression de l’entropie, S = k log W (voir FOCUS "Le principe ergodique"). Utilisant les outils mathématiques des probabilités et des hypothèses mécaniques classiques, Boltzmann crée un nouveau domaine de la physique, la physique statistique, qui connaîtra des développements considérables en physique et en mathématique (cf. l’hypothèse ergodique). La constante k, dite de Boltzmann, a la dimension d’une entropie. Plus tard, à la fin des années 1940, la notion d’entropie sera associée à la notion d’information par Claude Shannon. La constante de Boltzmann est aujourd’hui souvent assimilée à un quantum d’information ; c’est l’une des constantes fondamentales de la physique.
À la fin de sa vie, ses travaux étant attaqués par les énergétistes, Boltzmann, sujet à de fréquentes dépressions, atteint d’angine de poitrine, met fin à ses jours près de Trieste (Italie), au moment où les découvertes de Planck et d’Einstein, directement influencés par les siens, confirment ses hypothèses. En 1908, le physicien français Jean Perrin apportera la preuve définitive de l’existence des atomes.
Sur la tombe de Boltzmann figure la formule S = k log W, qui relie l’entropie statistique S au logarithme de la probabilité du nombre de complexions (états microscopiques indiscernables). La constante de Boltzmann vaut, dans le système normalisé, k = 1,3005 10 –23 joules / kelvin. Cette constante a la dimension d’une entropie car la probabilité est, elle, sans dimension.
Le second principe de la thermodynamique (voir ci-après) apparaît comme une conséquence du modèle de Boltzmann pour les gaz, qui veut qu’un système évolue vers son état le plus probable.
Thermodynamique et entropie
thermodynamique signifie, étymologiquement, « évolution, transformation de la chaleur ». C’est une science née au début du XIXe siècle avec la publication en 1824 de l’ouvrage de Sadi Carnot Réflexion sur la puissance motrice du feu. Elle repose sur deux principes fondamentaux. L’un, appelé premier principe de la thermodynamique, introduit le concept d’énergie et exprime une propriété de conservation impliquant que l’énergie, considérée sous toutes ses formes, doit rester constante au cours de la transformation d’un système isolé. L’autre, appelé second principe, introduit le concept d’entropie, qui exprime une propriété d’évolution irréversible impliquant que, dans un système isolé, l’entropie ne peut que croître, ou demeurer constante à l’état d’équilibre. Sadi Carnot avait cependant exprimé cette irréversibilité dans son ouvrage, sans évoquer l’entropie qui était sous-jacente. Cela a été réalisé en 1850 par Rudolf Clausius, qui a défini formellement l’entropie S d’une transformation infinitésimale par l’expression
qui détermine l’unité de l’entropie, en joule par kelvin. Plus philosophiquement, l’entropie représente une grandeur caractéristique des phénomènes irréversibles et de la dégradation de l’énergie…
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