
Les isométries conservent les longueurs. On peut cependant facilement imaginer une transformation qui conserve la forme des objets sans nécessairement en conserver la taille. C'est par exemple ce qu'il se passe sur le schéma : le portrait de Carl Friedrich Gauss reste semblable mais se retrouve légèrement tourné, tout en voyant sa taille modifiée.
On peut même imaginer des modifications de taille composées avec des retournements, comme avec le portrait de la célèbre laitière ci-dessous.
Toutes ces applications transforment une figure en une autre figure qui lui est semblable. Un peu moins prosaïquement, ces applications conservent les rapports des distances, ou, ce qui revient au même, multiplie toutes les distances par un même nombre positif k. Ces transformations géométriques ont été baptisées similitudes par les géomètres. Elles ne sont en fait que le résultat de la composition (l'« enchaînement ») d'une isométrie et d'une homothétie de rapport k, c'est-à-dire d'une réduction (si k est compris entre 0 et 1) ou d'un agrandissement (si k est plus grand que 1). Dans le cas où les figures ne sont pas retournées (comme pour le portrait de Gauss), on parle de similitude directe ; dans le cas contraire, on parle de similitude indirecte.
Une traduction complexe
Les isométries du plan correspondent exactement aux transformations du type
Mettons de côté le cas où a = 0, qui n'est pas très pertinent. Un premier cas très simple consiste à considérer que b est nul et que a est un nombre réel strictement positif. La transformation géométrique ainsi obtenue n'est rien d'autre qu'une homothétie (réduction ou agrandissement, suivant la valeur de a) de centre O, où O est l'origine du repère.
Dans le cas général, si l'on écrit a sous la forme r
Les nouvelles transformations ainsi obtenues consistent donc juste à composer une isométrie avec une homothétie de centre O. Vous l'aurez compris, on tient là une belle description des similitudes ! Les similitudes directes ont une expression complexe de la forme
Considérons une similitude f d'expression complexe f (z) = az + b. Si a = 1, f n'est rien d'autre qu'une translation. En revanche, si a est différent de 1, alors on peut trouver des points invariants par l'application de la similitude f . L'affixe d'un tel point est solution de l'équation z = az + b. Il est donc unique et son affixe est
Ce point fixe est une caractéristique propre à la similitude : c'est ce qu'on appelle son centre. En fait, toute similitude directe qui n'est pas une translation est caractérisée par trois éléments : son centre, son rapport (à savoir le module de a) et son angle (qui est un argument de a). De même, on peut caractériser les similitudes indirectes par un rapport, un angle et un axe.
L'expression des similitudes par des nombres complexes permet également de comprendre aisément en quoi elles sont caractérisées par la donnée de deux points distincts et de leurs images. Prenons deux points distincts M et N et notons M' et N' leurs images par une similitude directe f d'expression complexe f (z) = az + b. Les nombres a et b doivent vérifier le système suivant (avec des notations transparentes) :
Un petit calcul permet d'établir que les seules solutions sont
Autrement dit, il n'y a qu'une seule similitude directe qui envoie M sur M' et N sur N' ! Le même calcul peut facilement être adapté au cas des similitudes indirectes et fournit un résultat… similaire.
Les structures capturées par les complexes
Les mathématiciens sont assez friands des ensembles munis d'une certaine structure. L'ensemble des similitudes directes du plan en est un bel exemple. Enchaîner deux similitudes directes donne en effet une autre similitude directe. À chaque similitude directe f correspond une similitude directe f –1 telle que l'enchaînement de f et de f –1 revient à ne rien faire (ou appliquer la transformation identité).
Du point de vue algébrique, l'étude des similitudes directes du plan et de leurs enchaînements revient à étudier les couples (a, b) avec a un complexe non nul et un complexe quelconque muni de l'opération * définie par :
(a, b) * (a', b') = (aa', a'b + b').
En effet, si f (z) = az + b et si g (z) = a'z + b', alors : g ( f (z)) = a'(az + b) + b' = aa'z + a'b + b'.
Quel couple de nombres complexes joue le rôle de l'identité dans cette écriture ? C'est (1, 0) bien sûr, et on voit bien, d'ailleurs, que (a, b) * (1, 0) = (a, b). Par ailleurs, une vision algébrique de l'inverse d'une similitude directe est donnée par l'égalité
Ainsi, chaque similitude directe peut-être décrite à l'aide des nombres complexes, mais, plus fort encore, l'ensemble de toutes les similitudes directes aussi ! Les nombres complexes sont décidément inévitables et offrent une vision élémentaire et unificatrice de familles a priori foisonnantes d'objets très distincts.
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