
Les défis ont, de tous temps, dynamisé l'approche des sujets sur lesquels ils s'appuient. Dans le domaine des mathématiques, ils existent depuis de nombreux siècles.
La première compétition mathématique organisée en Europe dans un cadre scolaire ne date pourtant que de 1894. Organisée en Hongrie pour les lycéens à l'initiative de la Société hongroise de mathématique et de physique, elle porte le nom du baron Eötvös, alors ministre de l'Éducation en Hongrie.
Le rallye d'Alsace, un pionnier qui a donné l'exemple
Depuis, les compétitions mathématiques se sont développées, lentement tout d'abord jusqu'aux années 1970. Les Olympiades internationales de mathématiques ont été créées en 1959, à l'initiative de l'URSS qui organisait des compétitions depuis les années 1930 tandis que le Tournoi des villes l'a été en 1980 par Nicolaï Konstantinov. Seul le Concours général existait en France, jusqu'au pionnier, le « rallye mathématique d'Alsace », imaginé en 1973 par Georges Glaeser, de l'université Louis-Pasteur de Strasbourg, à qui l'on doit cette spécificité française : le nom de « rallye » pour désigner un concours de résolution de problèmes.
Les années 1980 constituent un contexte qui appelle de nouvelles initiatives. En cause, le besoin de réhabilitation des maths né de la période dite des « maths modernes » et de leur usage en matière de sélection, les nouvelles populations d'élèves (qui dit collège unique dit nouvelles sollicitations), et la vogue grandissante des jeux mathématiques dans la presse (en particulier Pour La Science et Le Monde).
L'année scolaire 1986-1987 marque ainsi la vraie naissance des compétitions mathématiques françaises en milieu scolaire, la première occasion de faire des maths « hors la classe ». Au rallye d'Alsace (individuel, niveau lycée) vient s'ajouter le rallye du Centre premier concours par classes, le tournoi du Limousin (individuel), et le Championnat international des jeux mathématiques (ouvert également à des publics non scolaires), créé par Gilles Cohen dans le cadre de la FFJM (Fédération française des jeux mathématiques), championnat qui en quelques années, dépassera les 100 000 participants. Sa particularité : demander en guise de démonstration le nombre de solutions !
La FFJM, présidée par Michel Criton, organise aujourd'hui d'autres compétitions dont, avec l'aide du trimestriel Spécial Logique, la sélection de l'équipe qui représentera la France au World Puzzle Championship et au World Sudoku Championship, les championnats du monde de grilles logiques.
Ce n'est pas un hasard si Tangente est né à cette date, et s'il a fait reposer sa communication de manière importante sur ces compétitions nouvelles. Le résultat dépasse toutes les espérances : le magazine naissant obtient mille abonnés avant que le numéro 1 soit imprimé !
En guise de déclaration de gratitude, Tangente sera le support privilégié des compétitions et créera la rubrique « Le rallye des rallyes », aujourd'hui incontournable rendez-vous du trimestriel Tangente Éducation. Quant à la rubrique « Jeux et problèmes » de Tangente, elle reprend essentiellement des énoncés issus de ces compétitions. Tangente participe de plus à la dotation d'une grande partie des compétitions, en leur offrant ou leur cédant à prix coûtant des milliers de livres et magazines.
Les années qui suivent voient la naissance d'innombrables nouvelles compétitions régionales, nationales, voire internationales. C'est ainsi que Jean-Pierre Boudine, s'appuyant sur le modèle du « Concours australien », crée le Kangourou des mathématiques, développé très vite par le talent d'André Deledicq qui en fait l'événement mondial que l'on connaît : plus de 500 000 participants en France, plusieurs millions dans le monde.
Le Strasbourgeois Rémy Jost crée « Mathématiques sans frontières », un concours qui déborde de la région d'Alsace vers la Suisse et même l'Italie, bientôt imité par celui de Bordeaux qui essaime en Espagne.
Depuis, les compétitions mathématiques en France se comptent par dizaines. Locales, régionales, nationales, internationales voire intercontinentales, elles s'adressent à tous les niveaux, du début de l'école élémentaire à l'université, et à tous les publics, du public le plus aguerri au grand public. Il en est d'individuelles, d'autres par binôme, par équipes pluri-générationnelles ou par classe. Le ministère de l'Éducation en organise lui aussi une chaque année depuis 2000-2001 pour les élèves de première, sous le nom d'Olympiades académiques, dans le but de préparer les futurs élèves de Terminale à la sélection pour les Olympiades internationales (voir article en pages 18-19).
Le CIJM, pour coordonner les compétitions
La nécessité pour les organisateurs de coordonner leurs actions et créer des synergies entre elles se fait vite sentir. Elle débouche sur la création du CIJM, Comité international des jeux mathématiques, créé en 1994, et qui va fédérer un grand nombre de ces compétitions.
Le CIJM organise chaque année fin mai à Paris, depuis 2000, année mondiale des mathématiques, une grande manifestation : le salon culture et jeux mathématiques, destiné au public le plus large, et qui voit près de 20 000 visiteurs défiler place Saint-Sulpice auprès des quatre-vingts stands et ateliers qui le composent.
Le CIJM publie régulièrement les recueils « Panoramath » (six volumes à ce jour, dont le dernier vient de paraître), véritables instantanés décrivant l'état des compétitions mathématiques. On y décrit les « classiques » des rallyes, mais aussi les nouveautés comme le concours de calcul mental organisé par Canopé ou les « défis mathémagiques » du site Planète Maths. Les Éditions POLE, quant à elles, ont publié de nombreux livres d'annales de ces compétitions, en particulier celles du Championnat de jeux mathématiques.
Le CIJM a lui-même organisé des épreuves dans le cadre de son salon. Il a ainsi créé le rallye mathématique de Paris, un « rallye » au sens classique, où des équipes intergénérationnelles sillonnent les rues de la capitale pour y découvrir les indices qui leur permettront de répondre aux problèmes.
Quant à la coupe Euromath Casio des régions, lancée elle aussi en 2000 à l'occasion de l'année mondiale des mathématiques, c'est une compétition unique au monde, dont la finale est une épreuve par équipes se déroulant sur une scène devant un public dans une salle de spectacle. Une première phase qualificative, qui a pour but de sélectionner les équipes finalistes, comporte des épreuves sur table individuelles et des épreuves collectives plus variées, notamment des énigmes et des jeux de grille. À l'issue de cette phase, deux équipes sont sélectionnées pour participer à la joute finale sur scène et tenter de conquérir la coupe.
Élaborées par le jury de la FFJM, les épreuves sur scène s'adressent à un ou plusieurs équipiers, voire aux équipes complètes. Elles sont à résoudre sur des grilles géantes, les manipulations des joueurs étant filmées et projetées en vidéo sur un grand écran, ce qui permet aux spectateurs de suivre de près la résolution en direct, d'autant qu'ils disposent d'un livret leur donnant des exemples simples des énigmes à résoudre.
Plus généralement, le CIJM, très actif lors des manifestations scientifiques, joue un rôle important dans la communication culturelle des mathématiques et dans celle des compétitions.
Une commission inter-IREM se réunit également régulièrement autour des rallyes. Dans un premier temps limitée aux compétitions sous la présidence d'André Antibi, elle s'est élargie aujourd'hui à toute les actions de popularisation sous le nom Pop'maths.
L'évolution des compétitions
Avec leur multiplication depuis une trentaine d'années, le rôle des compétitions dans la formation et la motivation des jeunes pour les disciplines scientifiques est unanimement reconnu. Elles ont connu dans un premier temps un essor extraordinaire.
Cependant, après un pic autour de 2000, elles marquent en France un certain essoufflement, qui se manifeste par la baisse des effectifs, voire même la disparition – ou l'interruptions – de certaines compétitions : Cela a été le cas de Nice ou du Poitou (maintenant bien relancé). Symbole, le rallye d'Alsace, le premier d'entre eux, n'a pas eu lieu en 2007.
Contraste : hors de France, où elles sont plus jeunes, elles se développent fortement. Celles qui tiennent le mieux sont celles qui se sont unies, en particulier avec des compétitions d'autres pays (comme Math sans frontières).
On peut aussi s'interroger sur le manque d'adaptation aux nouvelles réalités.
Le championnat de jeux mathématiques, dont l'année scolaire 2015-2016 voit la trentième édition, vient de mettre en place une collaboration avec l'Association québécoise des jeux mathématiques pour la réalisation, pour la première fois, de son questionnaire éliminatoire en ligne. Ainsi, les épreuves qualificatives individuelles peuvent se dérouler soit par correspondance, soit sur le site de la FFJM.
Dans le même esprit, l'associations France-IOI organise cette année un concours de cryptanalyse pour des lycéens de seconde, le concours Al-Kindi, qui se déroulera en ligne en plusieurs phases de difficulté croissante entre début décembre 2015 et fin février 2016 (détails sur le site du concours).
L'organisation de ce projet qui se veut sensibiliser aux questions de sécurité des données, et au rôle qu'y jouent les mathématiques et l'informatique est financée par… la DGSE.
On peut encore citer le concours Puzzleup (voir en encadré). Pourtant, les quelques tentatives de compétitions par Internet ne sont pas toujours très concluantes, bien peu se développent de façon incontestable.
Les raisons sont diverses. Une des causes est la difficulté de s'assurer de l'identité du répondant. Pour les enseignants, la concurrence entre des compétitions trop nombreuses, la lassitude et le manque de renouvellement dans les équipes d'organisation en sont la cause essentielle. Mais ce manque de renouvellement est une conséquence de la détérioration de la condition d'enseignant, une communauté à qui l'on impose trop de contraintes administratives sans vraiment reconnaître leur implication.
Lire la suite gratuitement