La chaînette, l'élégance faite courbe


Fabien Aoustin

Et si les bâtiments avaient la tête en bas ? Cette idée renversante permet la construction d'édifices spectaculaires à l'allure élancée.

La plus simple des courbes ?

Prenez une chaînette et laissez-la pendre par les deux bouts, seulement soumise à son propre poids. La courbe obtenue, simple et familière, est… la chaînette ! On parle aussi de caténaire et c'est effectivement bien la courbe décrite par les câbles électriques alimentant les locomotives en électricité. La détermination mathématique de cette courbe a été l'objet d'une belle émulation dans les années 1690. Les frères Bernoulli proposent à Gottfried Leibniz d'utiliser le tout nouveau calcul différentiel pour en déterminer l'équation. Ce dernier résout le problème et renvoie la question à ses contemporains. Les Bernoulli et Christian Huygens répondent dans la foulée.

Aujourd'hui, on exprime cette équation à l'aide du cosinus hyperbolique,  où contrairement à ce que l'on pourrait penser, on n'a donc pas affaire à une parabole, qui serait légèrement plus « pointue » en son sommet.

 

De l'autre côté du miroir

Il suffit d'une petite symétrie pour inspirer les architectes : dessinez une chaînette à l'envers et vous obtiendrez une courbe élégante dont les propriétés physiques ne manquent pas d'intérêt pour la stabilité de l'édifice. En effet, le poids étant uniformément distribué, les matériaux ne subissent qu'une compression (pas de traction) : l'ensemble est d'une très grande résistance. La première formalisation de cette idée semble due à Robert Hooke. Son contemporain de la fin du XVIIe siècle Christopher Wren l'exploitera pour le dôme de la cathédrale Saint-Paul à Londres. On trouve cependant des usages empiriques plus anciens de cette technique pour le dôme de Santa Maria del Fiore à Florence, en Afrique avec les voûtes nubiennes, ou encore à Ctésiphon, ancienne ville parthe près de Bagdad.

 

Des exemples plus modernes

Le Catalan Antoni Gaudí doit aussi une partie de sa notoriété aux arcs de chaînettes. Il en a fait un usage intensif dans bon nombre de ses œuvres, notamment la Sagrada Familia ou la Casa Milá à Barcelone. Son exemple a été suivi pour la Masía Freixa, à Terrassa, également en Espagne. Un autre exemple, encore plus monumental, est la Gateway Arch, célébration symbolique de la conquête de l'Ouest, en plein centre-ville de Saint-Louis, dans le Missouri (États-Unis). L'œuvre d'Eero Saarinen est la plus haute arche du monde, culminant à 192m de hauteur ! Elle est en fait légèrement aplatie pour des besoins touristiques. 

La structure en arcs de chaînettes a aussi été choisie pour sa rigidité pour le dôme de protection actuellement en construction à Tchernobyl. Enfin, des routes en forme de chaînettes seraient très adaptées aux vélos à roues carrées !

Lire la suite