L'hyperboloïde, ami des architectes


Philippe Boulanger et Bertrand Hauchecorne

On compte plus de deux cents édifices architecturaux dans le monde en forme d'hyperboloïde.

Les premières structures

Regardez l'ombre du planétarium James-Smith-McDonnell de la ville de Saint-Louis (Missouri) aux États-Unis. Sur la photographie, la limite de l'ombre est elle une droite ?

Le planétarium est un hyperboloïde à une nappe obtenu par rotation d'une hyperbole autour d'un de ses axes, ou encore par rotation d'une droite autour d'un axe qui ne lui est pas coplanaire. C'est une surface réglée et les droites génératrices sont parfois matérialisées par des contreforts, comme sur le château d'eau de la ville des Essarts-le-Roi.

La limite de l'ombre sur le planétarium est celle d'un point du cercle supérieur : quand la génératrice rectiligne passant par ce point est dans la direction du soleil, la limite de l'ombre est une droite. Aux autres moments de la journée, la limite de l'ombre est une courbe.

On prétend parfois que la première structure hyperboloïde du monde serait la tour Choukhov de Nijni Novgorod construite en 1896. C'est oublier la gloriette de Buffon, gloire du Jardin des plantes au sommet du « labyrinthe » de massifs végétaux, dont la petite structure intermédiaire est hyperboloïdale.

Il s'agit de l'une des plus anciennes structures entièrement métallique du monde, et la plus ancienne de Paris. Elle est l'œuvre d'un ami de Buffon, l'architecte Edme Verniquet (1727-1804). Sa construction pionnière précède les travaux de Victor Baltard de plus d'une cinquantaine d'années et ceux de Gustave Eiffel d'un siècle. La gloriette est rivetée, comme le sera la Tour Eiffel : le soudage n'avait pas encore été inventé à cette époque.

 

Dans les tours de refroidissement

Les tours de refroidissement des centrales nucléaires ont la forme d'hyperboloïde pour tirer parti de l'effet Venturi : l'air de refroidissement est accéléré dans son ascension car chauffé dans la partie supérieure par l'eau alimentée par le haut et qui descend par gravité. Il en va de même pour les entonnoirs de refroidissement de La Sagrada Familia, basilique de Barcelone (Espagne) conçue par l'architecte Gaudi à la fin du XIXe siècle.

 

Une jeune entreprise française, la société Éolie, fondée par le centralien Renaud Hesnard, a créé une petite éolienne « maison » dont la rotation des pales engendre un hyperboloïde.

 

 

Vladimir Choukhov, le père des structures hyperboliques

Vladimir Choukhov voit le jour près de Belgorod en 1853. Très brillant en mathématiques, il semble destiné à les enseigner, comme l'y encourage son professeur Pafnouti Tchebychev. Il préfère devenir ingénieur et innove dans de nombreux domaines. En particulier, il établit des méthodes pratiques de calculs des déformations de différents matériaux en fonction de leur forme. Cela lui permet de concevoir des pétroliers, des oléoducs, mais aussi des ponts. Il s'attache en particulier à développer les propriétés des surfaces réglées, c'est-à-dire composées de droites. Il construit de nombreux bâtiments contenant de telles surfaces, comme les pavillons de l'exposition universelle de Nijni Novgorod en 1896, des halls de gares comme à Kiev, de nombreux ponts mais aussi des galeries ou des verrières comme celles du célèbre magasin Goum à Moscou (les « galeries Lafayette » russes). Choukhov est ainsi le pionnier des structures hyperboloïdes qu'utiliseront après lui Antoni Gaudi, Le Corbusier et Oscar Niemeyer.

 

À la révolution russe, Choukhov reçoit de nombreuses propositions de l'étranger mais il préfère rester en Russie. Lénine le charge de construire une tour radio pour diffuser la parole communiste. Il réalise ainsi la tour Choukhov de Moscou, de forme hyperbolique et achevée en 1922.

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