
Le pentagone est une figure géométrique qui a rarement inspiré les architectes. En France, à part quelques fortifications, dont la citadelle de Lille, on ne pourra citer que le pauvre château de Maulnes (XVIe siècle), inachevé, abandonné, vendu et revendu, peu visité. Le plan pentagonal est attribué à Sébastien Serlio, un architecte italien. Notre Renaissance ne jure que par l'Italie et ses artistes…
Au chevet de nos cathédrales
Heureusement pour la géométrie, ce n'était pas la première fois que des maçons français étaient confrontés à cette figure. Le chevet semi circulaire de nos chapelles, églises et cathédrales, qui relie et boucle fermement les deux côtés de la nef, est souvent divisé en cinq tranches égales (quoi qu'il en soit, toujours en un nombre impair). L'axe du temple est immatériel, il ne doit être interrompu par aucune pile ou colonne, la tranche du milieu est vide. Le chevet constitue le fond de scène du spectacle liturgique, la Croix est à contre-jour. On trouve ainsi des chevets à trois, cinq ou sept tranches égales. Il est facile de diviser un demi-cercle en trois, mais pour le diviser en cinq, il faut convoquer le pentagone.
Les plans ci-contre sont des relevés de l'existant : on a retrouvé des devis, des descriptifs, des bons de commande, mais pas de plans ! Les cathédrales étaient tracées sur le sol, avec des piquets et des cordeaux.
Puisqu'on ne sait pas, aujourd'hui, comment les maçons de l'époque divisaient un demi-cercle en cinq secteurs égaux, toutes les suppositions sont permises. La première est que ces tailleurs de pierre connaissaient le tracé euclidien du pentagone, la divine proportion et le nombre d'or. C'est l'hypothèse la plus improbable. Les plus triviales sont sans doute les plus crédibles.
La figure ci-dessus présente une méthode de division d'un demi-cercle en cinq secteurs égaux. On construit une palissade selon le demi-cercle du chevet (à gauche). On serre une longue corde sur l'extérieur, on marque les deux extrémités A et B du demi-périmètre. On noue une extrémité de la corde à l'index en A et l'autre à un piquet en B, puis l'on plie la corde en cinq longueurs égales, que l'on marque par des nœuds. On plante un pieu par nœud et on abat la palissade. Le demi-tour est joué !
L'astuce du jardinier
Un autre tracé est peu évoqué dans les ouvrages de géométrie… car il est faux. Surnommé « pentagone du jardinier », il est simple à réaliser et donne un résultat étonnant. Jean Rostand nous rassure et nous prévient : « L'erreur peut être féconde, à condition qu'elle ne fasse pas la loi. »
Détaillons cette méthode pour inscrire un pentagone dans le cercle de centre O et de rayon OA. Le diamètre AB est divisé en cinq segments égaux. On trace le point C tel que le triangle ABC soit équilatéral. Les points G, F, E et D du demi-cercle (voir la figure) sont les points cherchés ! Avec un peu de trigonométrie, on constate que et
. Ainsi, l'angle
mesure 71,94°, soit une erreur de 0,06°.
Dans le cas du Pentagone (qui est le plus grand pentagone du monde), le côté BE mesure 281 m. Avec cette méthode de construction, on bâtirait un côté BE de longueur 280,84 m.
On ne saurait cependant conclure dans l'erreur, fût-elle de 1,4 millième. Il est un instrument de dessin, dont on ne connaît ni l'âge ni l'auteur, que l'on appelle équerre à pentagone. Il s'agit d'une équerre qui ne donne pas l'angle droit, mais les angles fondamentaux du pentagone : les cinq angles internes d'un pentagone régulier mesurent 108° et les cinq tranches égales d'un chevet gothique en mesurent 36. Ce bel outil permet de les obtenir (l'encadré explique pourquoi).
L'équerre à pentagone paraît d'une grande simplicité, mais on peut s'interroger sur sa fabrication par un artisan qui ne connaît pas le nombre d'or et qui ne dispose pas de rapporteur. On ne peut suggérer qu'un sérieux tâtonnement !
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