Optimiser ses performances grâce aux maths


Amandine Aftalion

L'utilisation des maths pour optimiser ses performances, qui date de l'Antiquité grecque, s'étend de nos jours à presque toutes les disciplines ; elle se répand même dans le grand public.

À l'heure où l'on possède des statistiques précises sur les frappes des joueurs de tennis, des indications sur le nombre de pas d'un rugbyman ou d'un footballeur pendant un match, où l'on peut courir avec un GPS, chacun prend conscience que le monde connecté et la technologie envahissent notre quotidien. Ce qui incite à se poser la question de la place, du rôle et de l'influence que peuvent avoir les mathématiques dans la pratique sportive. 

Une classification des sports

Pourtant, le lien entre sport et mathématiques n'est pas né de la technologie, mais remonte aux Grecs. Pythagore, mathématicien bien connu des lecteurs de Tangente, était également un athlète : il a remporté aux Jeux Olympiques toutes les compétitions de pugilat auxquelles il a participé. Thalès, lui, serait mort en assistant à une rencontre sportive. Dès cette époque, il était en effet important d'obtenir l'équilibre du corps et l'esprit.  Pour désigner un idiot chez les Grecs, on disait : « Il ne sait ni lire, ni nager ». 

Si de nos jours les mathématiciens préfèrent en majorité s'intéresser à l'abstraction plutôt qu'à la pratique sportive, les sportifs, eux, font de plus en plus appel à des stratégies dans lesquelles les mathématiques ont une place importante.

Pour comprendre leur rôle et leur influence, une classification des sports peut être utile. On peut différencier les sports :

- selon qu'ils soient individuels ou collectifs, 

- selon qu'ils se pratiquent avec ou sans instruments, 

- selon la manière de déterminer le gagnant : le duel, le record, ou le jugement.

Cela conduit à plusieurs thématiques d'étude : la performance de la mesure, l'optimisation du geste ou de l'instrument, l'amélioration du record. La prise en compte de l'adversaire est, quant à elle, nettement plus compliquée.

La manière la plus difficile de prédire un résultat reste dans les sports à jugement. Pensons au patin à glace : entre le mental du patineur qui va influer sur sa capacité à passer son quadruple saut ou le transformer en triple, et l'humeur des juges que l'on a souvent critiquée, il paraît difficile d'établir un modèle mathématique fiable. En revanche, certaines figures de patin à glace, comme la pirouette ou le saut, reposant sur la place du centre de gravité, la position du corps et sa mise en rotation peuvent être analysées en détail.

Pour les sports collectifs, il est également difficile de trouver des modèles mathématiques qui permettent de prédire la victoire ou améliorer la stratégie. Certains algorithmes probabilistes existent pour déterminer la position et le déplacement de coéquipiers sur un terrain, mais aucun manager de club de foot n'a encore remplacé son entraîneur par un e-coach.

Optimiser les performances dans l'eau

L'étude de l'instrument, ou la forme des instruments est un domaine où les mathématiques sont en revanche actives. Des études ont été faites sur la trajectoire du ballon de football, de la balle de tennis ou du volant de badminton en fonction de la frappe, du tir du javelot, ou du poids. Cela repose au départ sur la seconde loi de Newton, en tenant compte de la résistance de l'air et du type de tir initial. Avec des considérations analogues, on peut comprendre la forme du saut en hauteur ou en étudiant le frottement sur la neige, du saut à ski. La forme des balles et des ballons est elle aussi bien analysée.

En natation, si on reste sous l'eau, on ne crée pas de vagues, il y a moins de frottements et donc on va plus vite. C'est ainsi que le dauphin l'a compris et nage sous l'eau puis saute hors de l'eau, plutôt que nager à la surface. Dans les 50 mètres nage libre, aux Jeux Olympiques, c'est souvent celui qui a la plus longue coulée, c'est-à-dire qui émerge de l'eau le plus loin, qui gagne. Mais la technique qui consiste à faire la longueur sous l'eau a finalement été interdite des compétitions.

Sur l'eau, les mathématiciens ont également aidé à optimiser la forme de la voile ou de la coque d'un bateau, ou à comprendre comment trouver le nombre de rameurs idéal en aviron. 

Tout ceci repose sur de la mécanique. Celle-ci intervient aussi en cyclisme où l'on a maintenant accès à la puissance développée du coureur, à sa position (et donc sa résistance à l'air), et certains modèles permettent d'utiliser l'optimisation mathématique pour prédire la meilleure façon de pédaler. Certains espèrent même pouvoir arriver à déterminer l'effet potentiel du dopage. Cela nécessite de s'intéresser plus en détail au métabolisme et au travail du muscle. Ce qui a été développé dans d'autres sports comme l'haltérophilie pourrait aider à comprendre les modèles musculaires.
 

Tenir compte du métabolisme

Les développements les plus récents, mêlant métabolisme (au sens consommation maximale d'oxygène), conservation de l'énergie et principe fondamental de la dynamique viennent d'être publiés. Cela consiste, pour la course à pied, à prédire, étant donnée une distance à parcourir, la vitesse instantanée d'un coureur tout au long de la course, pour qu'il réalise le meilleur temps possible, par rapport à son métabolisme. C'est ainsi que les mathématiques permettent de comprendre
- qu'une course relativement courte s'accomplit en mettant sa force maximale sur toute l'épreuve,
- qu'à partir du 400 mètres, on met sa force maximale en début de course (en phase de consommation d'énergie anaérobie), ainsi que sur la fin, tandis que le milieu de la course se réalise avec une force de propulsion inférieure. Le calcul d'optimisation mathématique donne également accès à l'énergie consommée, et à la consommation d'oxygène. Comprendre aussi l'effet des virages, de l'altitude, du concurrent qui double ou suit, ou du dopage devrait également être possible dans le cadre de ce type de modèle, mais tout reste encore à étudier.

On voit, à la lumière de ces exemples, que les mathématiques sont bien adaptées pour optimiser la performance, le geste, l'instrument. Il reste en revanche beaucoup à faire dès qu'il s'agit de duels, d'équipes ou de mental. Ce qui fait revenir à l'une des questions initiales : dans les préoccupations centrales d'aujourd'hui, notamment autour du diagnostic du dopage, il faudrait rapprocher l'âme et le corps. Mais les modèles ne sont peut être pas encore prêts.

 

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