Un modèle probabiliste peut aider un joueur de tennis à choisir le type de service qu'il doit adopter. Application à la finale de la dernière Coupe Davis, qui a opposé la Belgique et l'Angleterre.

Service Fort, service faible
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Les trois grands types de services : le service à plat (la raquette frappe la balle vers l'avant et sans effet), le service coupé (avec du slice qui donne à la balle un effet de rotation latérale), et le service lifté (avec du top spin : la balle est frappée de bas en haut, avec un effet de rotation en direction du haut).
Au tennis, pour qu'un service (lancer initial de la balle) soit valable, la balle doit toucher le sol dans une région précise, le carré de service (qui est en fait un rectangle). Un joueur possède deux chances d'effectuer un service valable : s'il rate sa première balle, il a droit en effet à un second essai (la deuxième balle). En cas de nouvel échec, le serveur perd le point (on parle de double faute).
Un joueur adopte généralement deux types de service : un fort et un faible. Il peut frapper la balle en force (service à plat), avec une trajectoire soit en ligne droite (les champions servent à plus de 200 km / h), ou servir plus faiblement, avec un effet (coupé ou lifté) qui lui confère un mouvement parabolique. Le pourcentage de réussite est augmenté.
Lorsqu'un service atterrit dans le carré de service de l'adversaire (la balle est annoncée in), on note l'événement SF si le service est fort ou Sf s'il est faible. Sinon, quand la balle est out, on note
(ou
). G désignant un point engagé gagné par le serveur, on suppose connues et constantes les probabilités P(SF) et P(G | SF), qui est la probabilité que le serveur gagne le point après un service fort (et de même pour Sf ).
Le serveur peut donc choisir entre quatre stratégies : SF–Sf, SF–SF, Sf–Sf, Sf–SF.
Les hypothèses sont : P(G | SF) ≥ P(G | Sf) et P(Sf) ≥ P(SF). La théorie des probabilités permet déjà d'affirmer que la quatrième stratégie, moins performante que la première, ne sera jamais utilisée. Les calculs permettent de justifier que le joueur peut être amené à choisir la deuxième stratégie (lorsqu'il craint un retour gagnant de son adversaire ou lorsqu'il veut le surprendre), ou la troisième (lorsqu'il souhaite assurer sa première balle).
La finale de la Coupe Davis 2015
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Celle de 2015 opposait à Gand l'Angleterre et la Belgique. Chaque équipe était emmenée par un leader incontestable : l'Angleterre comptait sur Andy Murray, 2ème joueur mondial, qui pouvait espérer marquer trois points (les deux simples et le double dans lequel il allait jouer avec pour partenaire son frère Jamie), tandis que la Belgique était conduite par David Goffin, classé 16ème au classement mondial, qui devait aussi participer à trois matchs. Comme prévu, la première journée s'est clôturée sur le score 1-1, les deux premiers joueurs de chaque pays ayant battu le second joueur. Le double du samedi a été remporté par la paire anglaise (en quatre sets) : le score était à ce moment de 2-1 pour l'équipe visiteuse. Le match du dimanche entre les deux meilleurs joueurs en présence était alors décisif.
Les données statistiques, obtenues sur l'ensemble de la carrière des deux joueurs, étaient certes favorables à l'Anglais, mais la différence semblait minime. D'après le site www.atpworldtour.com, on pouvait déterminer les probabilités rencontrées dans le modèle décrit ci-contre :
David Goffin | Andy Murray | |
P(SF) | 0,57 | 0,58 |
P(G/SF) | 0,71 | 0,74 |
P(Sf) | 0,95 | 0,97 |
P(G/Sf) | 0,5 | 0,52 |
Sur base de ces données, la probabilité P1 de gagner un point au service avec la stratégie numéro 1 SF-Sf (la plus utilisée par les joueurs) pouvait être estimée à 0,61 pour le Belge et à 0,64 pour l'Anglais, un écart potentiel minime. Les spectateurs ont pu assister, trois heures durant, à une rencontre équilibrée qui a tenu ses promesses. Pourtant, l'Anglais a remporté le match en trois sets, permettant à son pays de s'approprier la Coupe Davis 2015.
Le score final a été 6-3, 7-5, 6-3, soit 19 jeux à 11, en faveur du britannique. Les pourcentages suivants, qui peuvent donner une estimation des probabilités rencontrées dans notre modèle, ont été enregistrés :
Pourcentages | David Goffin | Andy Murray |
Premiers services | 52 % | 64 % |
Points gagnés sur 1ers services | 64 % | 71 % |
Seconds services | 96 % | 100 % |
Points gagnés sur 2ds services | 45 % | 57 % |
Ces statistiques très nettes montrent que Murray était bien le plus fort, principalement grâce à ses meilleures performances au service. Comparées aux données antérieures globales fournies par l'ATP, elles mettent en évidence que l'adversaire d'un joueur peut amener ce dernier à être moins performant qu'à son habitude, et aussi qu'un champion élève souvent son niveau de jeu dans les grandes occasions.
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