Entre équité sportive ou spectacle, que choisir ?


Bertrand Hauchecorne

Départager les ex æquo, valoriser le spectacle sportif. C'est le rôle du décompte des points, souvent modifié au cours du temps. Mais cela va-t-il vers plus d'équité ? Et comment éviter la triche ?

Du goal average à la différence de buts

Pour éviter de tirer au sort ou de disputer un match supplémentaire lorsque deux équipes obtiennent le même nombre de points, on eut l'idée à l'origine de les départager grâce à la « moyenne de buts », souvent désignée par l'anglicisme goal average, c'est-à-dire le quotient du nombre de buts marqués par celui des buts encaissés. 

Cette méthode avantage les équipes défensives grâce aux effets de la réduction du dénominateur. Devant le peu de buts marqués et pour animer les rencontres, on modifia la formule lors du championnat 1962-63 en introduisant la « différence de buts ». 

C'était peut-être un hasard, mais à l'issue du championnat précédent, les équipes du Stade de Reims et du Racing club de Paris avaient achevé l'épreuve avec 48 points chacune et ce sont les Champenois qui l'emportèrent au goal average. Avec la nouvelle méthode, ce sont les Parisiens qui, dotés d'une même différence de buts, auraient été sacrés champions (ils avaient marqué davantage de buts) et auraient ainsi privé le Stade de Reims d'une belle performance européenne. 

Plus récemment, dans la poule A de la Coupe du Monde de football 2014, le Brésil a devancé le Mexique à la différence de buts avec 7 buts marqués contre 2 encaissés ; au goal average, le Mexique, avec 4 buts marqués mais un seul encaissé, l'aurait emporté. 

Pourtant, la différence de buts a un travers : elle peut amener plus facilement à des accords entre équipes. Pour mémoire, le dernier match de la poule A de la Coupe du monde de football de 1978 vit les Argentins l'emporter 6-0 face au Péruviens déjà éliminés. Ceci leur permit d'accéder en finale qu'ils remportèrent devant leur public.

Différence ou quotient, quelle méthode est la plus juste ? Peu importe semble-t-il pourvu qu'il y ait du suspense et du spectacle.

Diviser (par 0) n'est pas régner

Au début des années 1960, le championnat de France de football amateur, alors séparé de celui des professionnels, se déroulait en six poules géographiques. Les vainqueurs s'affrontaient ensuite en poule finale, sans match retour. En 1963, à l'issue de celle-ci, le Gazelec d'Ajaccio et l'Association sportive brestoise obtinrent le même nombre de points. On fit donc appel au goal average pour départager les deux clubs. 

Avec cinq buts marqués contre deux pour les Corses, les Bretons affichaient un meilleur bilan, les filets des deux équipes étant restés inviolés. Le soir même, les médias annoncèrent que le titre revenait à l'équipe de Brest. 

Cependant, les Corses firent remarquer que diviser par 0 n'était pas possible et contestèrent l'attribution du titre aux Brestois. On ne put que leur donner raison et l'on joua ce que l'on nommait à l'époque un match d'appui. Le 23 juin, les Corses survoltés remportèrent le match 6 à 1, le jour même du départ du cinquantième Tour de France. 

Bonus offensif en rugby, est-ce justifié ? 

Dans la poule B de la Coupe du Monde de rugby, trois équipes ont connu trois victoires et une défaite ; Avec respectivement 16 et 14 points, l'Afrique du Sud et l'Écosse accédèrent au tour suivant tandis que le Japon, trois fois victorieux sur quatre match, n'obtint que 12 points et fut éliminé. D'où provient cette différence de points ? 

Pour encourager les équipes menant largement au score à poursuivre un jeu offensif et celles distancées à s'impliquer encore, on a introduit un point de bonus à toute équipe ayant marqué au moins trois essais et un autre point lorsque la défaite se fait avec moins de sept points d'écart. Dans cette même poule B, l'équipe de Samoa a ainsi obtenu deux points lors d'un match perdu. 

En admettant que ce nouveau décompte encourage le jeu offensif donc spectaculaire, on voit poindre des risques de collusion et de triche entre équipes chaque fois que des points gagnés par l'une équipe ne sont pas perdus par l'autre. 

Un point de bonus offensif avait été introduit lors du championnat de France de football 1973-74 pour toute équipe ayant marqué au moins trois buts. Ceci se termina dans le plus profond ridicule. Lors de l'ultime journée, l'AS Nancy Lorraine pensait avoir sauvé sa place en première division. Las, Troyes, en perdant 4 à 3 et Monaco (8 à 4 !) lui passèrent devant grâce à l'obtention du bonus offensif. 

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