En économie aussi


Jacques Bair et Bertrand Hauchecorne

En économie, comme dans la vie courante, les taux sont omniprésents. Voyons comment.

Les taux se resserrent

Les économistes s'intéressent fréquemment à des variables quantitatives telles que quantités (produites ou consommées), prix… Ces diverses grandeurs sont assez souvent relativisées, c'est-à-dire traduites en pourcentages. Elles deviennent alors par exemple de l'élasticité ou des taux.

Le verbe latin taxare a connu divers sens au cours du temps : il signifiait d'abord « blâmer », puis « évaluer » et enfin « taxer ». Il a ensuite donné naissance, en ancien français, au verbe tausser, qui s'écrivait encore tauxer, dont le déverbal est taux. À la Renaissance, ce substantif désignait une taxe ou un impôt ; bien plus tard, il indiquait également une proportion ou un pourcentage.

Pour les économistes et les gestionnaires, un taux peut désigner un prix fixé par la loi ou par l'usage. C'est le cas pour un taux de change, qui est le prix d'une monnaie exprimé par rapport à une monnaie étrangère. Mais ce même mot peut également renvoyer à un pourcentage.

 

Les taux vus comme pourcentages

 Le taux d'intérêt est le montant, exprimé en pourcentage, des intérêts produits par une somme d'argent sur une période de référence. Ainsi, un taux d'intérêt annuel de 2% génère un intérêt de deux euros pour un placement de cent euros pendant un an. Le taux de chômage mesure quant à lui l'ampleur du chômage global ; il indique le pourcentage de chômeurs parmi la population active étudiée. Le taux d'inflation d'une économie donne le pourcentage d'accroissement de l'indice des prix au cours de la période considérée.

Moins connu, le taux nominal de protection exprime la différence entre le prix intérieur et le prix mondial d'un produit donné, exprimée en pourcentage du produit mondial. Enfin, le taux de couverture des importations est égal à cent fois le rapport des importations aux exportations. Lorsqu'il est inférieur à 10%, on le considère généralement comme indicateur d'alerte inflationniste.

 

Quand 10% puis 10% font environ 15%

Le maire d'une ville ligérienne a envoyé en fin d'année 1982 aux locataires des logements sociaux gérés par sa ville, alors que l'inflation atteignait des records, un courrier en ce sens : « Compte tenu de l'inflation, nous sommes malheureusement contraints d'augmenter votre loyer d'environ 15% pour l'année 1983. Afin d'atténuer pour vous cette hausse, nous vous proposons de l'étaler en appliquant une augmentation de 10 % en janvier et une autre de 10 % en juillet. »

Les locataires furent scandalisés, considérant qu'ainsi l'augmentation était bien supérieure à celle annoncée. Le maire, brillant énarque, affirma qu'il disait la vérité ; analysons ses arguments. Supposons un loyer mensuel de 1 000 F en 1982. De janvier à juin 1983, il s'établit à 1 100 F. Les six mois suivants, il se situe à 1 210 francs (soit 1 100 × 1,1). Sur le total de l'année 1983, ce locataire a déboursé 6 × 1 100 F + 6 × 1 210 F = 13 860 F, comparé aux 12 000 F de l'année précédente. Or 13 860 / 12 000 = 1,155. L'augmentation sur le total de l'année 1983 par rapport à 1982 est donc de 15,5% : vu sous cet angle, le maire disait vrai.

Ce qu'il cachait, c'est qu'en 1984 le loyer est resté au même niveau qu'à la fin 1983, ce qui fait que le loyer annuel de 1984 se situe bien 21% au-dessus que celui de 1982. Les locataires n'avaient pas tort de crier à la supercherie ! Ils avaient bien compris qu'en définitive le loyer mensuel augmenterait de plus de 20%.

 

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