
Un homme politique affirme qu'il a dû augmenter les impôts de 15 % la première année de son mandat et de 14 % la deuxième, ce qui est bien mieux que son adversaire de l'opposition, qui lui avait envisagé une hausse de 30 % en deux ans. Qu'en penser ? L'erreur classique consiste à additionner les taux : 15 % + 14 % = 29 %, ce qui est effectivement inférieur à 30 %. Mais prenons un exemple numérique. Si l'impôt était de 100 € au début, il est passé à 115 € l'année suivante. Il a fallu ensuite ajouter 14 % des 115 €, soit 16,10 €, pour atteindre finalement un montant de 115 + 16,10 = 131,10 €. La hausse globale était donc de 31,1 % !
Pas besoin d'avoir fait Polytechnique !
Plutôt que de s'intéresser à ce qu'il faut ajouter à chaque étape, il vaut mieux regarder par combien on multiplie. Considérons le prix p d'un article qui augmente de 20 %. Après augmentation, on obtient un prix égal à :
Augmenter de 20 % revient donc à multiplier par 1,20. Ce nombre est le coefficient multiplicateur associé à la hausse de 20 %. De façon générale, le coefficient multiplicateur associé à un taux de t % est égal à 1 + t %. Par exemple, les coefficients multiplicateurs associés à une hausse de 34 % et une baisse de 12 % sont respectivement 1,34 et 0,88. Retrouver un taux à partir de son coefficient multiplicateur n'est pas beaucoup plus compliqué. Si l'on dispose d'un coefficient égal à 1,125, le taux associé est de 1,125 – 1 = 0,125, soit une hausse de 12,5 %.
Reprenons l'exemple précédent. Si le montant des impôts augmente de 15 % la première année puis de 14 % la deuxième, il est multiplié par 1,15 x 1,14 , soit 1,311. La hausse globale est de 1,311 – 1 = 0,311, soit 31,1 %. Que penser alors de la déclaration suivante, entendue dans le 13h de France 2 à propos de la facture d'électricité ? « C'est du jamais vu ! Plus 6 % par an pendant cinq ans, pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour voir que ça représente une hausse de 30 % ! »
En effet, nul besoin d'avoir fréquenté une grande école pour voir que le coefficient associé à une hausse de 6 % est 1,06. Appliquer cette hausse cinq fois revient à multiplier cinq fois de suite le montant de la facture par 1,06, c'est-à-dire à multiplier ce montant par 1,065, soit environ 1,338. La hausse globale ne serait donc pas de 30 % mais de 33,8 % !
Bien des petits problèmes deviennent très faciles à résoudre avec ce coefficient multiplicateur. Imaginons un pays dans lequel les effectifs de la police ont été diminués de 5 %. Lors de la législature suivante, le gouvernement souhaite ramener les effectifs à leur niveau précédent : quel taux d'évolution appliquer ? Baisser de 5 % revient à multiplier par 0,95. Pour retrouver la valeur initiale, il suffit de diviser par 0,95, c'est-à-dire multiplier par 1/0,95, soit environ 1,0526. Le gouvernement en place doit donc augmenter les effectifs de 5,26 % pour atteindre son objectif.
Un peu de maths pour tous
Le coefficient multiplicateur permet de répondre à des questions légèrement plus complexes. Reprenons par exemple le cas évoqué par le journaliste de France 2. Quel taux appliquer cinq fois de suite pour obtenir une hausse globale de 30 % ? Raisonnons en termes de coefficients multiplicateurs : par quel nombre k doit-on multiplier cinq fois de suite le montant de la facture pour qu'il soit multiplié en tout par 1,30 ? Nous voilà face à l'équation k5 =1,30 La solution est , que l'on note aussi
et qui vaut environ 1,0539. Il faut donc appliquer cinq fois une hausse de 5,39 % pour obtenir une hausse globale de 30 %. On est assez loin des 6 % proposés dans le reportage !
Dans la pratique, nombreux sont les journalistes, les politiques, les banquiers et même les économistes qui raisonnent comme le présentateur de France 2. Apprenez à maîtriser le coefficient multiplicateur : c'est décidément un outil bien utile à tout citoyen !