
Ci-dessus : Une statue « miraculeuse » préparée par Henri Broch.
Qu’est-ce que la zététique ?
« Zététique » vient du grec zêtêin, qui signifie « chercher ». Ce curieux vocable se trouve en fait dans tout bon dictionnaire français depuis de nombreuses années, voire des siècles. Ainsi dans le Larousse de 1876 peut-on lire : « Zététique : se dit des méthodes de recherches scientifiques : méthode zététique. » Pour Émile Littré, en 1872, la zététique est la « méthode dont on se sert pour pénétrer la raison des choses », quand cette entrée renvoie « qui cherche les raisons des choses » dans le Dictionnaire des arts et des sciences de Thomas Corneille de 1694.
Le doute comme un moyen, non comme une fin
Enseignée dès l’Antiquité, la zététique est donc basée sur le refus de toute affirmation dogmatique. Ce flambeau a été repris au début des années 1980 pour expliciter ce qu’est la démarche scientifique en élaborant, comme support motivant pour des étudiants, une approche scientifique des phénomènes « paranormaux » (voir FOCUS). Mais la zététique ne se restreint évidemment pas à ce seul domaine. Elle constitue un pilier fondamental du développement de l’esprit critique au service de l’ensemble des citoyens car ses règles d’or sont la base de tout traité « d’autodéfense intellectuelle ». Ce qu’en disait Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire universel du XIX e siècle semble devoir être rappelé* : « Le nom de zététiques, qui signifie chercheurs, indique une nuance assez originale du scepticisme : c’est le scepticisme provisoire, c’est presque l’idée de Descartes considérant le doute comme un moyen, non comme une fin, comme un procédé préliminaire, non comme un résultat définitif. »
Autrement dit, cela peut se résumer sous l’expression « l’art du doute ». La zététique considère le doute comme un procédé, une pratique, un art d’après la propre définition du mot art qui est « l’ensemble des moyens, des procédés, des règles intéressant une activité, une profession », acception… presque malheureusement oubliée de nos jours ! D’ailleurs, Pierre Larousse regrettait que le terme « zététiques » soit restreint, non par le sens mais par l’usage, aux sceptiques seuls, alors qu’il pourrait légitimement être le « terme général désignant tous les chercheurs de la vérité dans tous les domaines ».
À noter que le terme existait également dans d’autres langues mais qu’à l’étranger le vocable n’a pas toujours été utilisé vraiment à bon escient. Ainsi, fondée dans le dernier quart du XIX e siècle, une revue anglaise titrée The Zetetic (titre repris au XX e siècle) soutenait la théorie de… la Terre plate !
Apprendre à penser
Dans son Avertissement sur l’ensemble de ses leçons pendant le semestre d’hiver de 1765 à 1766, le philosophe Emmanuel Kant expliquait l’importance d’un processus dynamique de recherche d’informations, en précisant que l’on ne doit à aucun moment enseigner des pensées mais bien plutôt apprendre à penser. On ne doit pas porter l’élève, disait-il, mais bien plutôt le conduire si l’on désire qu’à l’avenir il soit en état de marcher de lui-même. Et Kant concluait on ne peut plus clairement : « La méthode propre de l’enseignement philosophique est la zététique. »
Emmanuel Kant (1724–1804).
Le support du paranormal
L’objectif, en utilisant le paranormal comme support de réflexion, est de pouvoir faire mémoriser plus facilement les règles scientifiques de base – les facettes et les effets, qui sont définies, par exemple, dans Comment déjouer les pièges de l’information (H. Broch, Book-e-book, 2008) – et surtout de mettre les personnes en capacité de se les « approprier » pour les appliquer concrètement en situation. Car là est l’essentiel, bien au-delà de toute discussion épistémologique à mener sur le sujet. Quel serait en effet l’intérêt réel d’un pouvoir ou d’un savoir qui ne serait pas opératoire ?
Ainsi, même si l’approche présente de nombreuses difficultés, l’action vise à définir des critères permettant si possible de différencier les champs cognitifs afin d’établir – de tenter d’établir – une démarcation formelle entre science, non-science et pseudoscience.
Mais la zététique ne se restreint pas au domaine des pseudosciences comme cela est trop souvent supposé ; elle s’intéresse par définition à tous les domaines de la connaissance. Le lecteur est renvoyé aux exemples de thématiques un peu plus « sociales » traitées via quelques vidéos courtes de Lazarus-Mirages (expériences transmedias de Patric Jean et H. Broch, disponibles en ligne), ainsi qu’aux thèmes couverts par les écrits de la collection zététique « Une chandelle dans les ténèbres » aux éditions Book-e-Book.
Les règles d’or de la zététique, ces règles de recherche et de vérification d’une information (voir FOCUS), sont des aides efficaces permettant de s’assurer de la validité d’une démarche, d’une affirmation ou d’un résultat… mais elles ne garantissent en rien un « succès » final. En effet, une recherche n’est pas simplement dirigée par (ou soumise à) des règles. Elle nécessite également un soupçon d’intuition, un zeste d’inventivité et une bonne dose d’imagination !
Et si, in fine, on bute tout de même encore sur quelque chose, il ne faut pas hésiter à différer son jugement et laisser la question en suspens. Car, contrairement à ce que l’on pense souvent, la zététique nous enseigne que le point d’interrogation n’est pas une marque d’ignorance, c’est une marque de sagesse.
L’enseignement de zététique a de nos jours essaimé depuis Nice et sa création au début des années 1980. Des cours sont désormais dispensés dans d’autres établissements (dont une dizaine d’universités), en France et à l’étranger. On ne peut que souhaiter que cette diffusion s’élargisse encore car elle est plus que nécessaire à notre époque… Cet enseignement devrait nous inciter à méditer ce que le dramaturge et pacifiste George Bernard Shaw rappelait déjà il y a plus d’un siècle, à savoir que ce n’est pas l’incrédulité qui est dangereuse dans notre société, c’est la croyance.
Les mains de l’auteur en pleine séance de psychokinèse sur une fourchette qui se tord grâce à son pouvoir ! Il s’agit en fait d’une fourchette en Nitinol, un alliage à mémoire de forme, qui permet ce genre d’exploit…
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