Quand les maths divisent
les économistes


Bertrand Hauchecorne

Au cours des dernières décennies plusieurs querelles ont émaillé les relations entre économiste et mathématiciens.

2000 : la fronde des normaliens

Certes, celui-ci avait raison mais, à juste titre, les étudiants estimaient que de nombreux modèles n'étaient là que pour faire des exercices qui facilitaient la sélection, et de plus insufflaient subrepticement les théories néoclassiques mais détournaient les étudiants des débats économiques contemporains.

Réunis dans le Mouvement Autisme-économie, les étudiants poursuivirent leur combat. La querelle dépassa nos frontières et le mouvement reçut divers appuis, même dans le monde anglo-saxon. Trop souvent résumé à « pour ou contre les maths en économie ? », ce mouvement voulait redonner son véritable sens à un modèle mathématique, c'est-à-dire de trouver sa justification dans les faits.

 

1960 : la querelle des deux Cambridge

Dans le cadre de l'économie néoclassique, fondée à la fin du XIXe siècle par Carl Menger, William Stanley Jevons et Léon Walras, l'évaluation du prix du capital, c'est-à-dire des facteurs de production, joue un rôle fondamental. Il permet en particulier d'évaluer le produit marginal très lié au salaire.

Les économistes anglais ouvrent la controverse en faisant remarquer que calculer le montant du capital fait additionner des choses qui n'ont rien à voir entre elles, comme des camions de dix ans d'âge et des ordinateurs flambant neufs. Les Bostoniens répliquent qu'il suffit d'ajouter les valeurs monétaires des facteurs de production.

La querelle ne s'apaisa qu'en 1962 ; chacun reconnut que l'évaluation du capital est certes intéressante mais que son évaluation est forcément très imprécise et que l'investissement est un facteur clé de la croissance…

 

Keynes vs Hayek

Hayek fut un défenseur du libéralisme absolu ; en conséquence, il estimait que toutes les interventions de l'État sont néfastes, y compris les aides sociales. Ses théories sont basées sur des modèles mathématiques dans lesquels les acteurs ont une connaissance parfaite du marché et sont toujours mus par des arguments de rationalité. Elles furent en vogue, surtout dans le monde anglo-saxon, dans les années 1980 et 1990.

Keynes, de formation mathématique, bien au contraire, estime que les consommateurs ont certains comportements affectifs ou routiniers qui échappent à la rationalité. Aussi, affirme-t-il, l'intervention de l'État est nécessaire à l'équilibre de la société. Ce sont ses idées qui ont été mises en place dans l'après-guerre et ont conduit aux Trente Glorieuses. 

Keynes a comparé l'économétrie à de l'alchimie, et Hayek l'économie mathématique à de la magie…