Bac et Maths


Élisabeth Busser et Bertrand Hauchecorne

Faisant suite à Tangente 170 et son dossier « Faut il supprimer le bac ? », Robert Cabane, doyen de l'Inspection générale de mathématiques, nous a adressé d'intéressantes remarques.

Baisse de la spécialité maths au lycée. Qu'en est-il ?

Robert Cabane fait remarquer que la décroissance de la spécialité maths en terminale scientifi que (TS) « n'est plus d'actualité » ; il s'appuie sur les chiffres suivants relatifs aux lycées offrant l'enseignement de spécialité ISN. 

Pour les TS option SVT:
 
 
Pour les TS option SI :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Il ajoute : « Les choses sont très similaires pour les établissements ne proposant pas l'enseignement de spécialité ISN. Le problème n'est donc pas du tout une décroissance de la part de l'enseignement de spécialité maths, mais de celle de l'enseignement en physique-chimie ! » Certes, ces statistiques montrent que la décroissance semble enrayée depuis quelques années. On constate cependant qu'à peine plus d'un lycéen sur cinq choisit la spécialité maths, alors qu'on sait combien cette discipline est utile dans de nombreuses fi lières du supérieur.
 

L'algorithme d'APB est-il opaque ?

À propos de l'algorithme d'affectation post-bac (APB), Robert Cabane nous a adressé des précisions rassurantes. La fi n laisse cependant quelques doutes : « L'algorithme faisant fonctionner APB n'est pas si opaque, car il est basé sur l'algorithme de Gale-Shapley (voir aussi les Algorithmes, Bibliothèque Tangente 37, page 50). Il est cependant fréquemment supposé que des adaptations (ou “tripatouillages”) ont eu lieu, notamment en lien avec le “surbooking”, d'où la réclamation de l'association Droits des lycéens. Le même débat existe autour de l'algorithme d'Affelnet (probablement encore plus adapté qu'APB). Il est vraisemblable que la superposition de règles d'exception, (comme les voeux groupés, les voeux bloquants des licences, les places garanties aux meilleurs 10 % des bacheliers…) tende à déstabiliser l'algorithme et produire in fine de moins bons résultats, mais cela reste à démontrer rigoureusement. »
 

Actualité juridique : le tirage au sort est illégal

Rappelons enfin un problème passé sous silence : le tirage au sort opéré à l'entrée des sections où les candidatures excèdent les capacités d'accueil, comme la licence STAPS ou l'université de médecine. Comment est-il effectué, est-ce un « tirage au sort équitable » ?
Il semble même « totalement illégal », si l'on en croit la décision rendue le 16 juin par le Tribunal administratif de Bordeaux. Ce dernier estime en effet que « le recteur a commis une erreur » en refusant l'admission d'un candidat par cette méthode, car « cette procédure ne se fonde sur aucune réglementation ». Selon lui, seul
l'article L.612-3 du Code de l'éducation peut s'appliquer, et le tirage au sort n'y est pas mentionné. Un article un peu vague :
« Lorsque l'effectif des candidatures excède les capacités d'accueil d'un établissement, constatées par l'autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargée de l'enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci. Les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection. »
 
Il est urgent que le ministère mette en place une méthode effective de répartition des candidats qui soit à la fois claire, équitable et qui garantisse l'effi cacité de notre système d'enseignement supérieur : large débat !
 

Les maths au Bac S 2016 : erreur, quelle erreur ?

Que de bruit autour de l'erreur dans les sujets de « spécialité maths » du bac S ! D'accord, il y avait dans la question 5 de l'exercice 3 une erreur de signe, d'accord cette erreur s'est reproduite à cinq reprises, mais le problème, à vrai dire, était ailleurs. L'erreur, elle, n'a pas empêché les candidats de répondre à la question incriminée : ils ont passé outre sans la voir ou en rectifiant d'eux-mêmes.
Toute la presse en a parlé, souvent sans trop savoir de quoi il retournait vraiment, mais cette bourde est juste l'arbre qui cache la forêt : c'est plutôt tout le sujet lui-même de cet exercice 3 qui est une erreur ! Une erreur de casting tout d'abord, car le sujet de l'exercice de spécialité ne portait sur aucun point du programme de ladite spécialité : rien sur les matrices, rien sur les suites… sauf dans le sujet commun (hors exercice de spécialité) ! Une erreur de conception ensuite car non seulement l'exercice 3 débute par un contre-exemple, mais en plus, il n'annonce la couleur qu'à la… dixième ligne : comme bâti, on fait mieux. Une erreur de dimensionnement enfin : cinq paramètres (m, n, p, q, r) et un couple inconnu (x0, y0) dans la seule question 3, c'est beaucoup, non ? Dommage, car l'idée de rechercher les points à coordonnées entières d'une droite était intéressante.
À ce sentiment d'inadéquation de l'exercice de spécialité s'ajoute un regret plus global concernant cette épreuve de maths du Bac S 2016 : où a-t-on demandé au candidat de savoir « choisir un modèle simple », « d'émettre une conjecture », « d'expérimenter », de « formuler un raisonnement » comme le recommande le Bulletin officiel ?
Heureusement, le mot « démontrer » figure au moins une fois dans les sujets de Bac S 2016 : dans l'épreuve de… philosophie, avec la question « Faut-il démontrer pour savoir ? ».

 

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