Richard Buckminster Fuller, touche-à-tout de génie


Élisabeth Busser et Jean-Jacques Dupas

Philosophe, architecte visionnaire, ingénieur, inventeur, cartographe, éditeur, mathématicien, designer et poète, l'Américain Richard Buckminster Fuller (1895;1983), « Bucky » pour les intimes, a été tout cela à la fois.

 « Contribuer à changer le monde »

Sans qualification autre que son génie inventif et son ambition, celui qui avait été expulsé de Harvard pour manque d'ambition fonde en 1920 une entreprise de construction, en faillite au bout de quatre ans. C'est au décès de sa fille Alexandra qu'il se met en tête de « contribuer à changer le monde ». Il crée ainsi en 1927 sa 4D House, un conteneur habitable à base hexagonale.

Fuller innovera en continu dans le domaine du logement aussi bien que du transport (maisons et voiture Dymaxion). Il sera l'un des premiers à propager une vision globale du monde, préoccupé par la survie de l'humanité, décrivant ses théories dans de nombreux ouvrages.

 

Le chantre des polyèdres

 En 1948, alors professeur au Black Mountain Collège (Caroline du Nord), Buckminster Fuller réinvente le « dôme géodésique », modèle déjà créé en 1912 pour un planétarium de la firme Zeiss par Walther Bauerfeld, ingénieur allemand. « Bucky » en obtient les brevets américains, son entregent fait le reste : voilà le modèle popularisé dès 1945. Le premier « dôme géodésique », réalisé en 1948, structure autoportante de tubes d'aluminium et de triangles de vinyle, a la forme d'un icosaèdre. Pour prouver sa solidité, il demandera même à ses étudiants de se suspendre au cadre de la construction ! D'innombrables « dômes » vont suivre, construits dans le monde entier. On a même donné le nom de fullerène ou de buckyball à la molécule de carbone 60, en forme d'icosaèdre tronqué, découverte en 1985. C'est dire la popularité de l'Américain et de ses dômes… En fait, la structure de la molécule est celle d'un icosaèdre tronqué, connu d'Archimède et dont la première représentation connue est celle de Piero della Francesca !

 

La rencontre avec Coxeter

 

Les constructions géométriques de Fuller ont d'emblée ravi le mathématicien britannique Donald Coxeter (1907-2003). Le géomètre de renom a pu admirer le magnifique dôme du pavillon américain de l'Exposition universelle de Montréal en 1967. Devenus amis dès 1968, le mathématicien appréciait l'architecte, même s'il lui a contesté le droit d'être devenu plus célèbre pour ses constructions polyédrales qu'Archimède… En revanche, « Bucky » se rappellera ce qu'il doit à la géométrie dans sa dédicace à Coxeter de son livre Explorations in the Geometry of Thinking : il le dédie « à tous les géomètres de tous les temps, dont [Coxeter] personnifie l'importance pour l'humanité ».

 

La place des maths dans l'œuvre

Buckminster Fuller croyait profondément que l'architecture devait s'inspirer de la structure de l'univers et donc des mathématiques. Il commence en 1927 en utilisant les hexagones et l'autosimilarité, puis adapte la triangulation, dans les années 1930, pour stabiliser les structures de ses voitures. Dans les années 1940, il s'inspire de la structure du cuboctaèdre pour créer une nouvelle représentation du globe terrestre. L'empilement des sphères et les polyèdres seront sa base à la fin des années 1940 et le conduiront à ses fameux dômes géodésiques.

 

La source d'inspiration de Buckminster Fuller n'était pas uniquement les mathématiques, c'était également les mathématiciens : il a rencontré Max Dehn (1878-1952) alors qu'ils étaient tous deux enseignants au Black Mountain College, avant de devenir ami avec Coxeter.

Lire la suite gratuitement