
Que ce soit pour des raisons de santé ou tout simplement d'esthétique, nombreuses sont les personnes aujourd'hui à suivre régulièrement l'évolution de leur poids. L'indice de référence recommandé par l'OMS pour juger d'une bonne adéquation entre le poids et la taille d'un individu provient des travaux du mathématicien belge Adolphe Quetelet, un savant qui a eu une grande influence sur le développement des sciences en Europe dans le courant du XIXe siècle (voir encadré).
Cet indice est défini par le quotient du poids par le carré de la taille soit IMC = p / t2 où p désigne le poids en kilogrammes de la personne considérée et t sa taille en mètres. On le nomme indice de Quetelet ou encore indice de masse corporelle (IMC, en abrégé).
Naissance d'un indice
Quetelet présenta en 1832 et publia l'année suivante un mémoire de l'Académie royale de Bruxelles ayant pour titre Recherches sur le poids de l'homme aux différents âges. C'est dans cet ouvrage que l'auteur introduisit implicitement cet indice statistique. Dans la cinquième section du mémoire, intitulée Relations entre les tailles et les poids de l'homme et de la femme, Quetelet observa tout d'abord que « si l'homme croissait également dans toutes ses dimensions, les poids seraient aux différents âges comme les cubes des tailles. Or, ce n'est pas ce que l'on observe effectivement ». Il signala toutefois que cette observation ne vaut pas dans deux cas particuliers, celui des bébés « dans la première année qui suit la naissance » et celui des adolescents de « l'époque de la puberté » jusqu'à l'âge adulte « à peu près vers 25 ans ». Hormis ces cas spéciaux, l'auteur énonça cette règle (qui sera plus tard reprise intégralement au sein du livre intitulé Sur l'homme et le développement de ses facultés ou Essai de physique sociale et daté de 1835) : « Si nous comparons maintenant entre eux les individus entièrement développés et régulièrement construits, pour connaître les relations qui peuvent exister entre le poids et la taille, nous trouverons que les poids chez les individus développés et de hauteur différente, sont à peu près comme les carrés de leur taille. »
Quetelet justifia son énoncé de la manière suivante. Il indiqua avoir tenu compte des « douze individus les plus petits pour l'un et l'autre sexe, et douze individus les plus grands parmi tous ceux qui ont été soumis à nos observations » ; il ne précisa pas la nature ni la provenance de sa base de données, mais dans la section suivante de ce même mémoire, intitulée Table des poids d'une population, il fit état d'une « population de 10,000 âmes » de tous âges, sans préciser si les données analysées sont extraites de cette table.
Il rassembla ses observations dans un tableau de ce type :
|
Taille (en mètres) |
Rapport du poids (en kg) à la taille |
Hommes |
|
|
Les plus petits |
1, 511 |
36,7 |
Les plus grands |
1, 822 |
41,4 |
Femmes |
|
|
Les plus petites |
1, 456 |
35,6 |
Les plus grandes |
1, 672 |
38,0 |
Il tira de ce tableau la conclusion suivante : « Ainsi les tailles ont varié, pour les hommes et les femmes entièrement développés et régulièrement construits, dans les limites qui sont comme 5 est à 6 environ ; il en est à peu près de même des rapports du poids à la taille pour les deux sexes ; d'où suit naturellement, comme nous l'avons déjà dit plus haut, que les poids sont comme les carrés des tailles. »
Sa note de bas de page précise le calcul : « En nommant t et T les tailles, p et P les poids correspondants des individus les plus petits et les plus grands, nous avons en effet, à peu près exactement, par les nombres de la première colonne relatifs aux hommes :
t / T = 5 / 6, et par ceux de la seconde colonne (p / T) / (P / T) = 5 / 6 ;
d'où l'on tire t / T = (p / t) / (P / T), ou bien (t2 / T2) = p / P.
Il en est de même pour les nombres relatifs aux femmes. »
On peut en effet constater que les différences entre le rapport des tailles (t / T) et celui des rapports du poids à la taille ((p / t) / (P /T )) sont, en valeur absolue et pour chacun des deux sexes, de l'ordre de six centièmes ; il semble donc légitime de les considérer comme négligeables. Il convient cependant de signaler que Quetelet n'a jamais défini explicitement l'indice qui porte désormais son nom, et qu'il n'a pas cherché à étudier l'influence du poids des hommes sur leur santé.
De Quetelet à l'IMC
L'exploitation des recherches de Quetelet dans les sciences de la santé remonte surtout aux années qui suivirent la Seconde Guerre Mondiale. À cette époque, on s'est particulièrement intéressé à des liens éventuels entre le poids et la durée de vie, notamment à l'influence de l'obésité sur des maladies cardio-vasculaires ou le diabète ; en particulier, les assureurs recherchaient alors un indice, à la fois simple et ne réclamant que peu de données, susceptible de mesurer le risque de décès de leurs clients. Ainsi, plusieurs scientifiques publièrent, en 1972, une étude qui mettait en évidence les travaux du savant belge en liant la surcharge de graisse à l'indice IMC dont la valeur fut officiellement fixée au rapport M / T2, où M désigne la masse en kg et T la taille en mètres. L'indice fut créé véritablement à cette occasion et appelé, en anglais, The Body Mass Index (MBI, en abrégé). Actuellement, l'IMC est utilisé couramment dans les milieux de la médecine et de la diététique.
Le recours très fréquent à l'IMC s'explique notamment par le fait que cet indice permet une classification, tant chez l'adulte que l'enfant, de l'état nutritionnel du sujet ainsi que de son niveau de maigreur ou d'obésité. L'OMS et l'International Obesity Task Force fournissaient en 1998 le tableau de référence (simplifié) qui se trouve plus bas.
De nombreuses recherches médicales font appel à l'IMC. Contentons-nous d'en signaler deux récentes et d'envergure.
Une étude réalisée par plus de trente chercheurs a été effectuée sur 1,46 million d'américains, de couleur blanche, des deux sexes et de tous poids, âgés de 19 à 84 ans. L'IMC médian était de 26,2. Les scientifiques ont enregistré, pendant la durée de leur étude, soit plus de 10 ans en moyenne, plus de 160 000 décès ; ils ont évalué par des techniques statistiques assez sophistiquées le risque de décès des personnes en bonne santé et non fumeurs en fonction de l'IMC des sujets analysés. En adoptant comme risque de référence, égal à 1, celui qui correspond aux femmes ayant un IMC compris entre 22,5 et 24,9, ils ont obtenu les résultats rassemblés dans le tableau ci-contre :
Classification |
IMC |
Risque d'obésité |
Maigreur (dénutrition) |
< 18,5 |
|
Normal |
18,5 - 24.9 |
|
Surpoids |
25 - 29,9 |
Modérément |
Obésité |
> 30 |
Nettement |
Obésité grade I |
30 - 34,9 |
Obésité modérée ou commune |
Obésité grade II |
35 - 39,9 |
Obésité sévère |
Obésité grade III |
> 40 |
Obésité massive ou morbide |
Par ailleurs, des résultats assez similaires ont été obtenus dans une autre étude récente réalisée, pendant un peu moins de 10 ans, sur plus d'un million d'asiatiques qui sont a priori peu enclins à l'obésité. L'originalité de cette étude consiste probablement à constater qu'un IMC trop faible augmente très fortement le risque de mortalité : par exemple, le risque est de 2,8 pour un IMC égal à 15.
Classe comprenant l'IMC |
Niveau moyen du risque |
De 15 à 18,4 |
1,47 |
De 18,5 à 19,9 |
1,14 |
De 20 à 24,9 |
1 |
De 25 à 29,9 |
1,13 |
De 30 à 49,9 |
2,51 |
Il convient encore de signaler que, de nos jours, les limites de l'IMC sont assez bien connues. Cet indice n'a pas pour vocation, par exemple, de caractériser la masse musculaire ou osseuse ; il est ainsi peu adapté pour certaines catégories de personnes, telles que des sportifs qui, malgré un poids important dû à une musculation développée, sont malgré tout en bonne santé physique.
Mais l'IMC se révèle fiable comme indicateur d'obésité ou de poids trop faible, et dès lors peut pronostiquer d'éventuels futurs troubles de santé : le diabète, l'hypertension, l'apnée du sommeil ou certaines maladies coronarienne ou de la vésicule biliaire pour un indice excessif, l'ostéoporose, l'infertilité ou la diminution des fonctions immunitaires pour un indice insuffisant.
L'indice de Quetelet est en réalité un indice parmi d'autres, qui permet de savoir si une personne donnée affiche un « poids idéal ». Il possède un double avantage. Il est fort facile à calculer et peut être déterminé graphiquement à l'aide d'un nomogramme. Considéré cependant comme un peu rudimentaire, il est en passe d'être remplacé par un nouvel indice, plus fin.
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