
Fractions égyptiennes : Erdös, toujours
Nous venons à peine de parler d'Erdös qu'il apparaît à nouveau. A peu près vingt ans après sa mort, voici qu'il continue de publier ! Il le fait par l'intermédiaire des conjectures qu'il a émises et laissées derrière lui, et bien sûr aussi de ses amis et disciples qui en trouvent (parfois) des démonstrations. L'un de ces problèmes posés, comme toujours simple d'énoncé mais casse-tête à résoudre, concernait les fractions égyptiennes : « Tout entier peut-il s'écrire comme somme de fractions égyptiennes (fractions de numérateur 1) dont les dénominateurs sont les produits de deux nombres premiers distincts ? ». Avec son collègue et ami Ronald Graham de l'Université de San Diego en Californie, ils étaient si sûrs de leurs résultats qu'ils en ont annoncé une preuve dans le livre de Richard Guy Unsolved problems in number theory publié en 1981. Et pourtant, il a fallu attendre décembre 2015 pour voir une démonstration de ce résultat, pour trois nombres premiers distincts, que viennent de soumettre en prépublication Graham et Steve Butler de l'Université de l'Iowa, un étudiant de l'épouse de Graham, dans un papier qu'ils ont co-signé… avec Erdös, juste de quoi augmenter leur nombre d'Erdös d'une unité. Butler a cherché des décompositions sur ordinateur et les calculs de Graham ont permis de dépasser les limites de la machine. Sûrs de pouvoir faire mieux, les deux auteurs annoncent déjà qu'ils sont persuadés qu'on peut écrire tout entier comme somme de fractions égyptiennes de dénominateur produit de w nombres premiers distincts. En tout cas, pour w = 2, ils ont déjà réussi à écrire 1 comme somme de 48 fractions unitaires de dénominateur produit de deux nombres premiers distincts.
Equations d'Einstein : une avancée
La théorie de la relativité généralisée d'Einstein est centenaire, mais certains des résultats du grand savant nous demeurent encore obscurs. Les équations d'Einstein, publiées pour la première fois le 25 novembre 1915, décrivent comment la matière et l'énergie modifient la géométrie de l'espace-temps ; le champ de gravitation est alors interprété comme une déformation de cet espace, une courbure de la géométrie autour d'une source de matière. Le phénomène se mesure grâce à un outil mathématique, le tenseur de courbure, objet de la conjecture dite « de courbure L² », plus précisément « conjecture de courbure bornée dans L² ». Que dit-elle ? Que les équations d'Einstein admettent une solution si à l'instant initial le tenseur de courbure de l'espace est de carré intégrable (l'intégrale de son carré est finie). Enoncée voici quinze ans par Sergiu Klainerman de l'Université de Princeton, elle vient d'être prouvée, après au moins dix ans d'efforts, conjointement par Klainerman lui-même et Igor Rodnianski (Université de Princeton) et Jérémie Szefttel du laboratoire Jacques-Louis Lions (CNRS, Université Pierre et Marie Curie). L'essentiel de la preuve (qui fait tout de même, tout compris, plus de 800 pages) vient d'être publié dans la revue Inventiones Mathematicae. Cette preuve est importante car, disent les chercheurs, elle est une étape vers la démonstration d'autres conjectures, concernant en particulier les régions de l'espace-temps où le champ gravitationnel devient infini, comme au centre d'un trou noir.
Encore en suspens : la conjecture abc
Née d'une simple discussion en 1985 entre le mathématicien britannique David Masser et le mathématicien français Joseph Oesterlé, la « conjecture abc » fait, comme son nom l'indique, intervenir un triplet d'entiers premiers entre eux (a, b, c) où c = a + b, et ce qu'on appelle le radical d du produit abc, c'est-à-dire le produit de tous les diviseurs premiers de abc (sans multiplicité). De manière savante, la conjecture s'énonce ainsi :
Etant donné e > 0, il existe une constante M, qui dépend de e, telle que, pour tout triplet d'entiers (a, b, c) premiers entre eux et vérifiant les conditions 0 < a < b < c et a + b = c, on a c < M d 1 + e.
Dit autrement, elle signifie que si a et b contiennent des facteurs premiers très répétitifs, ceux de c ont des chances de l'être beaucoup moins.
À l'automne 2012, le mathématicien Shinichi Mochizuki de l'Université de Tokyo, menant une démarche très personnelle, a proposé à la communauté mathématique une très volumineuse preuve de cette conjecture qui, si elle s'avère valable, permettrait de démontrer une foule de résultats de théorie des nombres, dont en particulier le dernier théorème de Fermat.
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