Astro : street art, trompe-l'œil et illusions d'optique


Denise Demaret-Pranville

Peintre et plasticien, Astro privilégie aussi bien dans ses tableaux que sur ses fresques murales les structures aléatoires et les formes géométriques élémentaires. Les trompe-l'oeil, les anamorphoses et autres illusions d'optique intéressent également cet artiste autodidacte.

 Après un BEP microtechniques, Astro travaille pour l’industrie pharmaceutique comme agent de contrôle qualité technique, ce qui l’amène à vérifier la conformité de divers ustensiles destinés aux laboratoires. Il pense que ce contact répété avec des objets de différentes formes et la précision nécessaire à ce travail l’ont aidé dans son rapport aux formes et l’ont influencé dans sa pratique artistique.

 

Ci-contre : Magnetic Interaction, Astro.
(
© D. D.-P., 2018)

 

Il est, par ailleurs, complètement autodidacte sur le plan artistique. Il y a une vingtaine d’années, il se lance dans le graffiti art dans des « friches » ou « spots de graffitis » ; il développe alors un graphisme qui lui est propre avec des formes aléatoires, comme une sorte de calligraphie personnelle. Il passe ensuite au street art sur des grandes façades, ce qui lui permet de toucher un public plus large. Ce passage vers l’architecture l’amène à travailler avec la perspective ; il introduit alors des formes géométriques et des illusions d’optique qui se combinent avec ses formes aléatoires.

Dans sa dernière exposition, « Lévitation », à la galerie Loft du 34 à Paris, Astro nous invite à contempler son univers où des formes en lévitation côtoient des constructions impossibles et des compositions évoquant des fractales. La sculpture Magnetic Interaction illustre parfaitement le titre de cette exposition : il s’agit d’une pyramide tronquée, dont la partie supérieure est maintenue en suspension par un champ magnétique calculé pour que les deux pièces soient séparées par une distance fixe de 7 cm. Puis on se tourne vers les toiles exposées, et là encore on découvre des objets tronqués dont certaines parties semblent en lévitation. On remarque aussi des formes inspirées de la physique des fluides, les tourbillons (ou vortex), et enfin quelques objets impossibles, comme le triangle de Penrose, qu’il a illustré avec ses motifs et ses couleurs récurrentes.

 

 

À gauche : Classic Vortex I. Astro, technique mixte sur toile, 130 x 97 cm, 2018.

À droite : Penrose in Levitation. Astro, technique mixte sur toile, 116 x 89 cm, 2018.
© D. Demaret-Pranville, 2018

 

Du dessin aléatoire à la rigueur géométrique

Un des points communs à toutes ces œuvres est la présence de formes aléatoires, sortes de lettrages qui sont propres à Astro. Lorsqu’il commence à intégrer des formes géométriques dans ses œuvres, il n’abandonne pas ces motifs, qui sont comme une marque de fabrique ; au contraire, il s’en sert pour appuyer les perspectives, ou guider certaines formes. Par exemple, lorsqu’il représente ses Vortex, il se sert de ses formes aléatoires pour mettre en évidence les lignes de courbure. Le vortex a été un véritable enjeu technique pour Astro : « Cette reproduction est générée à partir d’une succession d’ellipses, bien proportionnées entre elles. Je fais des croquis préparatoires avec des sortes de lignes de fuite pour adapter mes motifs. » Le vortex donne l’illusion d’une aspiration dans le mur, il n’y a pas de symétrie, contrairement à d’autres œuvres. Il précise : « Les formes qui me caractérisent sont indispensables dans mon travail, j’adore les faire, elles comportent aussi des droites qui appuient les lignes de perspectives. De très loin, on voit une forme d’ensemble très géométrique mais qui fourmille de plein de petites formes aléatoires et homogènes, surtout visibles de près et qui ne gênent pas la visibilité de loin. »

 

Architectural Inception. Astro, 100 x× 100 cm, 2018.( © Alexandre Pouyet, 2018)

 

Astro se défend d’avoir un langage mathématique : « Je ne souhaite pas, a priori, que mes formes soient vues comme des objets mathématiques, ce n’est pas le propos recherché. Par contre les mathématiques sont indispensables pour réaliser mes œuvres. » Il a une réelle intuition des formes, des perspectives et des proportions, ce qui lui permet de faire des représentations où les règles de la géométrie sont cohérentes ; pour cela, il a développé des outils de construction. Lorsqu’il réalise ses fresques monumentales sur des façades, ses perches lui servent d’unité de mesure pour reporter des longueurs. Il utilise la géométrie élémentaire, les rotations, les symétries, les rectangles, les cubes, les pyramides ainsi que les nombres pour calculer les rapports de proportion. Il ne parle pas de fractales mais de « strates » ; néanmoins, un œil mathématicien reconnaît dans Architectural Inception une structure fractale évidente avec un emboîtement de formes carrées.

 

Différents regards, différents supports

Astro joue également avec les différences d’échelle en réalisant alternativement des œuvres monumentales (sur des façades où la vision d’ensemble est prépondérante) et des œuvres sur toile : « Mes murs nourrissent mes toiles et inversement. Le regard du spectateur est différent selon le support. Sur les murs on a davantage une vue d’ensemble et l’on voit surtout les grandes formes géométriques ; sur toile les motifs aléatoires sont plus présents. »

Il s’essaie aussi à l’anamorphose, en réalisant à Vannes (Morbihan) une reproduction de son œuvre Lévitation sur les murs et le sol d’une pièce de 20 m2 dans un ancien bâtiment de la Direction départementale de l’Équipement investi par un collectif d’artistes, « Dédale ». Il s’inspire des techniques du photographe et plasticien Georges Rousse, qui a réalisé de nombreuses anamorphoses dans des lieux abandonnés.

Deux vues de la reproduction de Lévitation sur les murs et le sol d’une pièce à Vannes. (© Astro)

 

Astro se dit également inspiré par le travail de Victor Vasarely, mais là où le Hongrois remplissait ses grandes structures géométriques de plus petits motifs géométriques réguliers, Astro laisse proliférer ses motifs aléatoires. Il précise sa démarche ainsi : « Je veux déformer la planitude des façades en créant des illusions impressionnantes, pour que le spectateur s’immerge dans mes œuvres. Je veux questionner le spectateur, intriguer le passant. » Il se défend de tout propos mathématique, mais lorsqu’il souhaite que le spectateur pénètre dans l’univers plastique de ses formes, c’est bien dans un monde géométrique qu’il le fait évoluer…

Peinture murale à Boston, Astro. (© Astro)

Lire la suite


références

Plus d'images sur le site de l'artiste : http://astrograff.com