
Mathématiques et jeu ont, pour être liés, des raisons à la fois structurelles et historiques. Le jeu est une simulation de situations simplifiées de la vie. Les mathématiques permettent justement de construire des modèles de simulation.
En jouant, on fait des maths
Bibliothèque Tangente 47, 2013). De très nombreux jeux de grille font intervenir des raisonnements logiques. Le Sudoku est le plus connu, mais il en existe des dizaines d’autres, dont beaucoup font l’objet des livres de la collection « À vous de jouer », initiée par un maître du genre, Bernard Novelli (voir Tangente 142, 2011).
Ce sont également les mathématiques qui sont à la base des stratégies de jeux de société (voir article « Jeux de société, jeux en société »). La théorie des jeux (ou théorie de la décision), à l’origine de laquelle les jeux de Nim ont joué un grand rôle, est devenue une branche à part entière des mathématiques.
En faisant des maths, on joue
Faire des mathématiques c’est aussi mettre en relation les notions qui composent un énoncé, procéder à une analyse critique de sa solution, accepter parfois de faire fausse route, viser un résultat (et le prévoir si le problème est « ouvert »), vérifier si une action fonctionne ou non. En faisant des mathématiques, en particulier en résolvant des problèmes, on peut jouer, on peut créer. C’est le même plaisir que l’on éprouve en jouant ou en cherchant la solution d’un problème et en trouvant une réponse aux questions qu’il pose. Un plaisir ludique d’autant plus grand qu’une démarche créative a conduit à la solution.
Jouer, c’est une fin en soi, chacun en est convaincu : nous apprenons à jouer, nous pratiquons des jeux pour leur propre maîtrise. Demandez aux passionnés de mathématiques s’ils ont une approche différente quand ils réfléchissent à un concept ou un problème !
Pour montrer à quel point les mathématiques se prêtent au jeu, il suffit de recenser les mathématiciens qui se sont lancé des défis sous forme de jeux : qui ne connaît le problème des grains de blé sur l’échiquier, celui de la duplication du cube ou de la quadrature du cercle, et même le défi du dernier théorème de Fermat ?
Qu’est-ce qu’un jeu mathématique ?
Les joutes mathématiques d’aujourd’hui sont les compétitions et olympiades, qui connaissent un essor croissant en milieu scolaire (voir article « Jouer en cours de mathématiques »), et les problèmes et défis posés dans la presse (voir à la page « histoires Dans La Presse Aussi... ») ou en ligne (voir Tangente 164, 2015). Ces deux approches ont un point commun : elles reposent sur le terme « jeu mathématique », qui recouvre des problèmes présentés de manière divertissante.
Quels sont donc les artifices qui font qu’un problème de mathématiques est perçu comme un jeu ? Les critères qui les caractérisent sont des contraintes de forme (l’habillage) et de fond (les connaissances mises en jeu).
D’abord, l’habillage. Les problèmes sont écrits en français de tous les jours, avec le moins possible de vocabulaire spécialisé, de formules, d’énoncés formels, de façon à inhiber les blocages. Les problèmes peuvent être placés dans un contexte concret, si possible proche du lecteur. L’énoncé sera ainsi appréhendé plus facilement. Enfin, une touche d’humour se dégagera souvent, un clin d’œil sera adressé au lecteur, pour une mise en confiance.
Le type de question est également important. À exclure : le problème « fermé » (du style « montrer que… »). Quant au type de réponse attendue, il ne doit pas se limiter à la démonstration simple.
Les connaissances nécessaires, elles, ne seront pas importantes. Le jeu-problème fait davantage appel à la déduction, à l’astuce, à la recherche persévérante qu’aux savoirs techniques. Il appartient souvent à un domaine de mathématique « non scolaire », c’est-à-dire qui ne se rattache à aucune partie des programmes d’enseignement.
Selon la branche des mathématiques traitée, il est bien sûr plus ou moins artificiel de créer des problèmes correspondants. Lorsque néanmoins des connaissances sont exigées, l’appel à ces prérequis sera peu apparent. En aucun cas le jeu ne doit être perçu comme l’application d’un savoir.
La résolution du problème doit toujours sembler à portée, même si ce n’est pas le cas dans la réalité. À défaut de trouver l’astuce permettant une résolution rapide, le lecteur doit penser qu’il finira par parvenir à la solution, quitte à déployer des trésors de persévérance. Il ne doit pas rester « sec » devant un jeu-problème.
Enfin, même si elle s’inspire de problèmes existants, la question posée doit être adaptée pour être originale. Cette condition est fondamentale pour qu’au-delà des amateurs, l’énigme passionne aussi les férus de mathématiques récréatives.
C’est en s’appuyant sur ces principes que la rubrique « Affaire de logique », qui paraît chaque semaine dans Le Monde, a dépassé, depuis maintenant plus d’un an, les mille problèmes posés.
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