
Il est souvent difficile de cerner l'apport des divers contributeurs d'un concept. Comme disait Farkas Bolyai, pour presser son fils János de rédiger au plus vite ses idées sur la géométrie non euclidienne :
« Quand le temps est mûr pour certaines choses, celles-ci apparaissent en divers endroits un peu comme des violettes qui éclosent au début du printemps. »
La notion de nombre complexe ne déroge pas à ce constat. Ainsi, le Danois Caspar Wessel (1745–1818) fut le premier à proposer une interprétation géométrique des imaginaires dans son traité Essai sur la représentation analytique de la direction en 1799. Mais, par sa vision mathématique, ses démonstrations illustrées par des figures géométriques, l'« Essai » de Jean-Robert Argand en 1806 peut être considéré comme le texte fondateur de la représentation géométrique des nombres complexes.
Des racines primitives
Les coordonnées polaires sont particulièrement bien adaptées pour les nombres complexes. À un point M du plan réel de coordonnées (r cos (
Un nombre complexe de module 1 est ainsi associé à un point M du cercle trigonométrique, de centre l'origine O et de rayon unité, et entièrement défini par son argument
L'équation complexe zn = 1 possède n racines d'après le théorème fondamental de l'algèbre. La somme de ces racines, opposée au coefficient du terme en zn–1, est nulle. Une solution complexe z = rei
On appelle racines de l'unité les n nombres complexes
On a donc la factorisation
Les racines nèmes de l'unité constituent un groupe cyclique Un d'ordre n pour la multiplication des nombres complexes (voir en encadré). De façon générale, si p est multiple de n (donc si p = m n), une racine nème de l'unité est racine pème de l'unité puisque z p = (z n)m = 1 .
On appelle alors racine primitive nème de l'unité, ou d'ordre n, un nombre complexe z tel que n est le plus petit entier vérifiant zn = 1. Ainsi, parmi les racines de l'équation
Pour z 3 = 1, les racines sont
Puisque
Ainsi, puisque
U4 = {1,
puisque
De plus, cette caractérisation des racines de l'unité par leur ordre permet de déterminer les sous-groupes. Ainsi, U4 admet pour sous-groupe le groupe C2, d'ordre 2, de générateur
Les polynômes cyclotomiques
Les racines de l'unité se répartissent régulièrement sur le cercle trigonométrique. Cette notion de découpe (tomos) du cercle (kyklos) se retrouve étymologiquement dans le terme « cyclotomique », associé à des polynômes qui sont historiquement apparus avec la construction des polygones réguliers à la règle et au compas. Le sens de ce terme est mis explicitement en évidence par le terme allemand Kreisteilungspolynom.
On a remarqué que
En ne conservant que les racines primitives, on obtient un polynôme, dit cyclotomique, diviseur du polynôme Xn – 1, qui a pour expression
en notant k ^ n le plus grand commun diviseur de k et de n. Si k ^ n = 1, les nombres entiers k et n sont premiers entre eux.
Avec cette définition, on établit une factorisation du polynôme
où le produit s'effectue pour tous les diviseurs d de n. Puisque le degré du polynôme
Si n est premier, ses seuls diviseurs sont 1 et n et donc
Puisque
on a
Les premiers polynômes cyclotomiques sont :
•
générateur r 2 = –1 ;
•
générateurs j et j2 ;
•
•
générateurs –j et –j2.
Tous ces polynômes sont à coefficients entiers et irréductibles sur ℚ, c'est-à-dire ne peuvent être mis en facteur.
En étudiant, en digne héritier de Lagrange, les permutations des racines des polynômes cyclotomiques, Gauss crée les germes de la théorie des groupes de Galois. Il crée une nouvelle branche mathématique, la théorie algébrique des nombres, en construisant les entiers de Gauss à partir du polynôme cyclotomique
Lire la suite