Calcul de racines cubiques


Jean-Pierre Marchand

L'algorithme de calcul de la racine carrée n'a plus de secret pour vous ? Épatez vos amis avec l'extraction des racines cubiques !

Terrasser une racine cubique… à la main !

Dans les algorithmes de calcul au « goutte à goutte », les chiffres tombent successivement, comme les gouttes d'une perfusion. Mais gare aux erreurs de calculs ! La moindre erreur de retenue dans les opérations (qui mobilisent rapidement des nombres gigantesques) est fatale, le calcul est alors irrécupérable. Dans le cas de l'extraction d'une racine cubique, l'exécution n'utilise que des élévations au carré, des multiplications, des soustractions… et la connaissance des cubes des nombres de 1 à 9. Cependant, il est utile d'avoir déjà bien compris l'algorithme de calcul au « goutte à goutte » de la racine carrée (voir la brève « Extraction de racines »). Le cas de la racine cubique en est une généralisation diabolique, bien plus fastidieuse à mettre en œuvre qu'une simple recherche par tâtonnements, approximations, encadrements…
 

Attention à ne pas trébucher…

À première vue, l'algorithme d'extraction d'une racine cubique semble sophistiqué. Le plus simple pour le décrire consiste à prendre un exemple. Soit à extraire la racine cubique du nombre N = 247631926,15482, décimale par décimale. On pose l'opération comme pour la racine carrée, mais on va séparer N par tranches de trois chiffres à partir des unités. La première tranche à gauche est 247. Sans surprise, on cherche le plus grand cube inférieur à 247 ; c'est 216 = 63. On écrit le premier chiffre du résultat, 6, et on calcule le reste, à savoir 247-216 = 31. On abaisse la tranche suivante, pour obtenir 31 631.
On calcule alors 30 × 62, soit 1 080. Pourquoi 62 ? C'est le carré du premier chiffre du résultat. Le nombre 30, quant à lui, est invariant, on le retrouvera à toutes les étapes de l'algorithme (notez que c'est 3 × 10). Pour cette raison, on l'écrit en gras dans ce texte. Le quotient de 3 163 (à savoir, 31 631 auquel on a supprimé le chiffre des unités) par 1 080 est égal à 2 et donne une idée du chiffre suivant du résultat. On va donc essayer le chiffre 2. On calcule maintenant 3 × 6 × 2, soit 36. Le chiffre 3 est un invariant de l'algorithme : on le retrouvera lui aussi à chaque étape. Le 6 est celui du résultat reporté, 2 est le chiffre à l'essai. On ajoute ensuite 36 (3 × 6 × 2) à 1 080 (30 × 62), pour obtenir 1 116. On calcule alors 1 116 × 10 × 2 + 23, ce qui donne 22 328. Vous l'aurez deviné, le 10 est un invariant, le facteur 2 est le nombre à l'essai. Le chiffre qui est élevé au cube (dans 23) est également le nombre à l'essai. On vérifie alors que 22 328 ≤ 31 631. Le nombre à l'essai, 2, convient ! On reporte donc 2 à côté de 6 (pour obtenir 62), et on calcule le reste 31 631-22 328, soit 9 303.
On abaisse la tranche suivante pour obtenir 9 303 926, et on recommence, avec des nombres qui deviennent délicats à manipuler à la main. On calcule donc 30 × 622, soit 115 320. Le quotient de 930 392 divisé par 115 320 vaut 8, qui sera donc notre nombre à l'essai à cette étape. Ainsi, on évalue 3 × 62 × 8 = 1 488, puis 115 320 + 1 488 (soit 116 808), et enfin 116 808 × 10 × 8 + 83, soit 9 345 152… qui dépasse de peu le reste 9 303 926 ! Le chiffre à l'essai, 8, était donc trop grand et il faut tout recommencer avec 7…Vous pourrez continuer joyeusement l'extraction jusqu'à une ou deux décimales après la virgule : l'algorithme est mécanique, mais génère des quantités extraordinaires de calculs… ce qui est bon pour les neurones ! Mais au fait, qui saura justifier que cet algorithme fournit bien in fine la racine cubique demandée ?
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références

Des racines au goutte à goutte. Tangente 69 et 70, 1999.
Dossier « Le calcul mental ». Tangente 163, 2015.