Les probabilités pour démystifier l'astrologie


Jean-Paul Krivine

Le développement de l'astrologie est le fait d'obscurantistes, qui croient à des lois pseudo-scientifiques dont on peut démontrer qu'elles sont erronées, mais aussi de charlatans qui, pour développer leur fonds de commerce, s'appuient sur des coïncidences qui n'en sont pas. Les probabilités, dans les deux cas, sont là pour les démasquer.

L'astrologie suppose des influences astrales, comme celle de la date de naissance – pourquoi la naissance, mais pas la conception ou la gestation ? – qui sont très aisément réfutables, à l'aide d'expérimentations relativement simples. 

La première de ces constatations remonte à plus de 2 000 ans. Si le ciel de naissance fixait pour chaque individu son caractère ou sa destinée, comment expliquer que les jumeaux aient le plus souvent des destins différents ? C'est sans doute Carnéade (philosophe de la Nouvelle Académie, né en 219 avant notre ère) qui, le premier, formalisa cet argument, ensuite repris et affiné au cours des siècles. 

L'autre facette de cette argumentation est le constat que des personnes représentant la palette complète des thèmes de naissance peuvent périr toutes dans un même destin, au même moment (accident d'avion, catastrophe naturelle, attentat terroriste…). 


À l'épreuve des expériences statistiques

La controverse autour des « jumeaux astrologiques » va refaire surface avec la possibilité de réaliser des analyses statistiques précises. 

En France, la biologiste Suzel Fuzeau-Braesch (auteur d'un « Que sais-je » sur le sujet, voyez cette brève) publie en 1992 dans La preuve par deux (Robert Laffont) une étude en faveur de l'astrologie portant sur 251 couples de jumeaux, étude qui s'avèrera honteusement biaisée. 

En 2006, le Danois Peter Hartmann publie un rapport sur l'influence de la date de naissance sur la personnalité et l'intelligence. L'analyse a utilisé des données provenant d'échantillons nettement plus importants (un de 4 000 personnes et un autre de 11 000) pour lesquels étaient disponibles date de naissance et résultats de différents tests psychologiques et cognitifs, réalisés initialement pour évaluer l'impact du service militaire sur de jeunes recrues. La conclusion fut sans appel : aucune corrélation entre la date de naissance et les conclusions sur la personnalité et l'intelligence générale !

Parmi les études statistiques menées depuis l'an 2000, la plus troublante est probablement celle de Geoffrey Dean. Ce psychologue australien a rassemblé de façon systématique toutes les études statistiques faites dans le monde entier depuis plusieurs décennies pour affirmer, sans ambiguïté dans une interview donnée en 2003 que les « principes de l'astrologie sont invalides » et que les livres d'astrologie « sont en fait de simples tromperies ». Un petit détail : Dean avait été le président fondateur de la fédération des astrologues australiens !

D'autres expériences ont été menées en présence d'astrologues. 

Ainsi, celle de Shawn Carlson, publiée dans la revue Nature en 1985, demandait à des astrologues d'identifier, parmi trois profils de personnalités qui leur étaient fournis, celui qui correspondait au thème astral d'un individu. Résultat : ni mieux, ni moins bien que le hasard pur.

Lors d'une autre expérience, rendue publique en 1996 aux Pays-Bas, un certain nombre d'astrologues ont reçu les données de naissance de sept personnes ainsi que les réponses de ces mêmes personnes à un questionnaire de personnalité élaboré par les astrologues eux-mêmes. Non seulement, comme dans l'expérience précédente, l'appariement personne/profil s'est révélé aléatoire, mais aucune similarité n'apparaît dans la réponse des astrologues !


Comment mettre les probas de son côté ?

« Mais, objectera-t-on, les astrologues se trouvent avoir formulé beaucoup de prédictions valables. Je répondrai qu'ils ont donné un bien plus grand nombre de faux jugements. Lorsqu'ils disent la vérité, cela provient ou du hasard, ou de la multitude de prédictions qu'ils ont données, ou de ce qu'ils ont présagé de mauvaises actions qui, chez les hommes, sont celles qui s'accomplissent le plus souvent, ou parce qu'ils ont examiné et observé ceux qui les écoutent, ou bien parce qu'ils connaissent certains secrets des grands ou de ceux qui les fréquentent… ».

On ne dirait pas mieux aujourd'hui, mais c'est en 1419 que Jean Gerson a adressé ce constat au dauphin, le futur Charles VII. Car le charlatanisme, c'est bien cela : 

• donner un ensemble suffisamment large de prédictions pour que la probabilité de réalisation de l'une d'entre elles soit très importante, l'astrologue sachant bien que le public concerné oubliera les autres pour ne retenir que celles qui se sont réellement produites ;

• formuler les prédictions en termes suffisamment généraux pour que la réalité puisse plus facilement correspondre, ou que la personne concernée puisse plus facilement personnaliser la prédiction ;

• anticiper sur une action que l'intéressé sera d'autant plus prêt à réaliser qu'on la lui a annoncée ;

• s'appuyer sur des statistiques suffisamment générales pour que l'événement annoncé ait une forte chance de se produire – eh oui, les probabilités sont aussi un outil pour l'astrologue ;

• s'appuyer sur des informations dont l'intéressé n'a pas encore connaissance.

 

Et puis, il y a l'effet Barnum (voir encadré), qui consiste à se reconnaître dans ce qu'on voudrait être plutôt que dans ce qu'on est.

La crédulité des humains aidant, l'astrologie semble avoir encore de beaux jours devant elle, surtout si ses tenants utilisent la psychologie et les probabilités pour asseoir leur influence.