
D’abord « pendule à musique » aux battements muets inventé en 1696 par le Français Étienne Loulié (1654–1702), cet indispensable objet devient « métronome mécanique à pulsation audible », breveté en 1816 par Johann Nepomuk Maëlzel (1772–1838).
L’Allemand a « emprunté » (c’est un doux euphémisme…) au Néerlandais Dietrich Nikolaus Winkel (1780–1826) l’idée de ce mouvement d’horlogerie qui actionne un balancier gradué dont les battements sonores règlent le temps des musiciens.
Face visible et face cachée
Le métronome de Maëlzel.
Une tige verticale munie d’un curseur coulissant et d’un disque pesant fixé à sa base pivote autour d’un point : tels sont les organes apparents de ce petit appareil. Un ressort spiral couplé à une roue dentée permet, en se détendant progressivement, de fournir dans la durée l’impulsion nécessaire à chaque oscillation du battant autour du centre de rotation : c’est la face cachée du mécanisme. Une clé sur le côté permet de remonter le ressort.
Le métronome, léger et peu encombrant pour l’époque, est donc un indicateur précieux pour les exécutants et pour l’harmonie de leur jeu musical. Très vite, les compositeurs – le premier à l’avoir fait est Ludwig van Beethoven en 1817 – prendront l’habitude de mentionner sur leurs partitions les constantes du métronome : « 120 à la noire » signifie par exemple cent vingt battements par minute pour une noire, ce qui correspond au mouvement dit allegro. À titre de comparaison, le tempo va de 200 (presto) à 40 (largo) en passant par 108 (moderato) et 66 (adagio).
L’usage du métronome a eu des hauts et des bas dans l’histoire de la musique, et a parfois vu ses adeptes devenir opposants. Hector Berlioz, par exemple, après l’avoir largement utilisé, disait à un moment ne plus souhaiter « imiter la régularité mathématique du métronome ». Cet instrument a cependant fourni aux musiciens une référence utile quant à leur cadencement et leur synchronisation.
Pour la petite histoire, Beethoven a même, lors d’un dîner, composé un petit canon, Ta ta ta lieber Maëlzel, célébrant le génie de son ami inventeur, où résonnent les « tac-tac » de l’appareil, qu’il inclut d’ailleurs dans le thème du second mouvement de sa huitième symphonie. Plus humoristique encore, le compositeur autrichien d’origine hongroise György Ligeti a, lui, composé en 1962 un Poème symphonique pour cent métronomes, dont on peut ou non apprécier le son de ces objets mécaniques lancés tous en même temps et réglés selon des fréquences différentes… De l’aveu même du compositeur, cette « musique* » est liée « à des visions d’un labyrinthe sonnant et à ces images infinies que l’on aperçoit en regardant dans deux miroirs posés face à face ».
(* Ces œuvres de Beethoven et Ligeti ont fait partie du programme donné le 30 avril dernier dans la chapelle du Musée des arts et métiers par le Concert impromptu dans le cadre de l’exposition « Sur mesure, les sept unités du monde ».)
Le diapason et le triangle
Autre instrument permettant aux instrumentistes d’accorder non plus leur tempo mais la tonalité de leur jeu : le diapason. Ce petit objet en forme de « U » prolongé par une tige a la particularité de produire en vibrant un son de hauteur fixe. C’est l’outil du musicien par excellence !
Inventé, semble-t-il, en 1711 par le trompettiste et luthiste britannique John Shore (vers 1662–1752), il tire son nom du mot grec signifiant « octave ». Pourquoi cette forme spéciale ? Une seule branche permettrait déjà à l’instrument de produire une note presque pure, c’est-à-dire très peu perturbée par les harmoniques (on admet que la fréquence de la première harmonique est environ deux octaves et demie au-dessus de la fréquence fondamentale, alors que pour une corde vibrante, par exemple, elle est beaucoup plus proche, typiquement une octave au-dessus). La seconde branche a surtout pour intérêt de permettre à la tige de vibrer longitudinalement et comme, alors, un point de non-vibration se produit à l’embranchement, on peut tenir le diapason par la tige sans amortir la vibration. Encore mieux : on peut poser l’extrémité de la tige sur un résonateur pour amplifier le son !
La fréquence propre f du diapason dépend évidemment de sa taille et du matériau qui le constitue. Pour un instrument à branches cylindriques de rayon R et de longueur l (exprimés en mètres m) réalisé dans un matériau de masse volumique ρ (en kg/ m3), elle est donnée en Hertz (Hz) par :
où E est le module de Young du constituant, une constante qui dépend de son élasticité.
La valeur de f , qui produit la note la (les musiciens l’appellent la3, c’est celui qui se trouve « immédiatement au-dessus » du do central du piano), est très importante : c’est une référence pour tous les musiciens. Elle a été fixée à la Conférence internationale de Londres en 1953 à 440 Hz. Elle est utilisée par tous les instrumentistes, sauf parfois dans les musiques baroques, qui utilisent des fréquences entre 392 et 415 Hz, voire 442 Hz pour certains ensembles de musique moderne. En effet, ce la de référence a subi au fil des âges de multiples variations, allant de 377 Hz, en 1511 sur les orgues de Heidelberg, à 506 Hz sur l’orgue de la cathédrale de Halberstadt, en passant par 457 Hz pour la branche américaine des pianos Steinway.
Une figure bien connue de la géométrie
Produisant lui aussi un son par un heurt, il rappelle, plus que le diapason, une figure bien connue de la géométrie : c’est le triangle. Petit objet de métal en forme de triangle équilatéral de côté mesurant entre 20 et 40 cm, frappé par une baguette elle-même métallique, le triangle est un instrument à part entière. On le tient suspendu dans une main, on le frappe de l’autre et c’est sa taille et le diamètre de ses tiges qui déterminent la hauteur du son qu’il produit. La clarté du son engendré le fait remarquer dans les instruments de l’orchestre et on peut à volonté étouffer le son de la main si l’orchestration le demande. Il est joué par le percussionniste, dont ce n’est pas le seul instrument.
Le triangle s’est inscrit dans l’histoire de la musique dans la seconde moitié du XVIII e siècle comme instrument de la famille des sistres, emprunté aux fanfares de janissaires (l’élite de l’infanterie de l’armée ottomane aux XVI e et XVII e siècles). Il a fait partie de ces instruments turcs, comme le piccolo, les flûtes traversières ou les cymbales, qui ont fait à l’époque leur entrée dans les formations musicales européennes. C’est le moment où Mozart se laissait tenter par ces « turqueries » avec sa Marche turque (sonate pour piano en la majeur, vers 1783) et utilisait le triangle dans l’ouverture de l’Enlèvement au sérail (1782).
D’autres ont suivi : Beethoven dans l’Hymne à la joie de sa Neuvième Symphonie (1824) et Franz Liszt dans son premier concerto pour piano (1855), où le triangle joue en solo ou, comme dans un concerto, dialogue avec les cordes. La critique musicale de l’époque n’a pas manqué de qualifier cette œuvre de « concert pour triangle » !
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