
Un premier modèle de valorisation d'actifs financiers
Harry Max Markowitz (né en 1927).
L'année 1990 voit le couronnement de l'économiste américain Harry Markowitz. Conjointement avec ses compatriotes Merton Miller (1923–2000) et William Forsyth Sharpe (né en 1934), ils sont récompensés pour le développement d'un premier modèle d'évaluation d'actifs financiers, le CAPM (capital asset pricing model), souvent traduit par MEDAF, acronyme pour « modèle d'évaluation d'actifs financiers ». Pour ses créateurs, le prix d'équilibre des actifs est déterminé par l'offre et la demande de chaque titre. La formule proposée est une fonction du risque propre de chaque actif, indépendamment de tout processus de diversification, de la rentabilité moyenne du marché et également du taux d'intérêt sans risque. Le modèle de Markowitz est très critiqué de nos jours, les hypothèses sous-jacentes à son utilisation étant assez irréalistes : l'économiste suppose en effet notamment qu'il n'y a pas d'impôt, pas de frais de transaction et que toute entreprise peut emprunter sans limite au taux sans risque, ce qui est très loin d'être le cas. Mais les travaux de notre économiste ont eu une vertu indéniable : ils ont ouvert la voie à une mathématisation sophistiquée des méthodes de valorisation d'actifs.
Le recours au calcul stochastique en finance
Robert Merton (né en 1944).
Une nouvelle étape est franchie avec le mathématicien et économiste américain Robert Merton, qui partagea le prix avec Myron Scholes en 1997. Merton utilise le calcul stochastique développé par le mathématicien japonais Kyioshi Itô dans les années 1940 et applique la théorie des équations différentielles stochastiques en finance, couvrant de nombreux domaines, de la valorisation d'actifs ou d'options au risque de crédit, permettant la modélisation et la gestion de tout produit à risque de type macro-financier. Il généralisa la formule de Black et Scholes à la valorisation d'actifs comme les emprunts hypothécaires et les emprunts liés aux études, dont on connaît les conséquences pour un grand nombre d'étudiants aux États-Unis, qui se retrouvent généralement diplômés… et endettés. Tout comme son homologue Scholes, il fut l'un des dirigeants du fonds de couverture Long Term Capital Management, depuis sa fondation en 1994 jusqu'à sa spectaculaire faillite en septembre 1998. Comme quoi, il y aura toujours un énorme fossé entre la théorie et la pratique. Dure leçon de modestie.
La célèbre formule de valorisation d'option
Myron Samuel Scholes (né en 1941).
L'économiste canado-américain Myron Scholes reçoit également le prix en 1997, en même temps que Merton. Il est surtout récompensé pour ses idées novatrices en finance et sa célèbre formule de valorisation d'option européenne sur actif financier, établie conjointement avec le mathématicien Fisher Black (1938–1995) et qui fut publiée dans The Journal of Political Economy en 1973 sous le titre The Pricing of Options and Corporate Liabilities. Ce résultat extraordinaire, à la fois mathématique et économico-financier, qui a bouleversé le monde de la finance, n'a pu trouver de place dans les revues spécialisées de l'époque, le Journal étant un pis-aller. Il est aussi regrettable que Black, décédé entre-temps, n'ait pu bénéficier du prix tant mérité.
Une option européenne est le droit d'acheter ou de vendre, à un moment donné, un actif donné à un prix donné. Il est extrêmement difficile de valoriser un « droit » qui n'a aucun caractère obligatoire. Les auteurs partirent de la constitution d'un portefeuille équilibré, comportant actifs et options pour en annuler le risque et en déduire le rendement dans un marché efficient, à savoir le rendement sans risque. Un changement de variable adéquat les a amenés à la formule de la diffusion de la chaleur, dont la solution était bien connue.
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