
Une construction avant-gardiste
Bien avant la naissance de Benoît Mandelbrot, Georg Cantor décrit en 1883 le premier ensemble fractal, vingt ans environ avant que von Koch introduise son fameux flocon. Sa construction est typique des fractals, même si le résultat esthétique est quasi nul, cet ensemble étant linéaire. On part du segment C0 = [0, 1]. On lui retire l'intervalle ouvert médian, de longueur le tiers de celle de C0, soit ]1/3, 2/3[. On obtient C1 = [0, 1/3]
La longueur de Cn tend vers 0 : à la limite, la longueur de C est nulle. De même, C ne peut contenir aucun intervalle ouvert, aussi petit soit-il : il est d'intérieur vide. Enfin, une suite convergente d'éléments de C a sa limite dans C : l'ensemble triadique de Cantor est fermé.
Un lien avec l'écriture ternaire
L'ensemble de Cantor a la puissance du continu. Pour s'en convaincre, caractérisons l'écriture ternaire de ses éléments. De quoi s'agit-il ? Usuellement, on utilise l'écriture décimale des nombres : les nombres de [0, 1[ s'écrivent de façon unique a1 10–1 + a2 10–2 + a3 10–3 + … où les ai sont des chiffres du système décimal, non tous égaux à 9 à partir d'un certain rang (pour garantir l'unicité de l'écriture). On note ce nombre 0,a1a2a3…
On peut de même écrire tout nombre réel dans n'importe quelle base, en particulier en binaire et en ternaire. En ternaire, cela donne a1 3–1 + a2 3–2 + a3 3–3 + … où les chiffres ai sont égaux à 0, 1 ou 2. Les nombres de [0, 1/3] correspondent à a1 = 0, et les autres ai quelconques, sans restriction. Ainsi, 0 correspond à tous les ai nuls, et 1/3 à tous les ai égaux à 2. Les nombres de [2/3, 1] correspondent à a1=2, et les autres chiffres quelconques, sans restriction. Les nombres de C1 correspondent donc à a1≠1 et les autres chiffres quelconques. La division par trois implique que les nombres de C2 correspondent à a1≠1, a2≠1, et les autres chiffres quelconques. Il en est de même pour tous les Cn et, à la limite, les nombres de C correspondent aux développements ternaires ne contenant pas le chiffre 1.
Dès lors, il est possible d'appliquer le raisonnement de la diagonale de Cantor à C pour montrer qu'il est impossible de les numéroter tous ! Pour cela, supposons que c'est possible et fabriquons un nombre de C qui ne peut appartenir à la liste donnée.
Les nombres de C (appelés cantoriens sur le schéma) sont écrits dans l'ordre de leur numérotation supposée, dont l'existence correspond à l'hypothèse de dénombrabilité, l'un en dessous de l'autre. Conservons la diagonale, ici 002… On obtient une nouvelle suite de chiffres en remplaçant les 0 par des 2 et vice-versa. Où ce nouveau nombre est-il rangé ? Nulle part ! Ce raisonnement assure que C n'est pas dénombrable.
La dimension fractale de l'ensemble triadique
La dimension la plus utilisée pour mesurer les fractales est celle introduite par Felix Hausdorff en 1918. Comme sa définition est très technique, on la simplifie souvent tout en en gardant l'esprit. L'idée est de partir d'un domaine borné A du plan et de compter le nombre minimal N(r) de disques de rayons r > 0 nécessaires pour le recouvrir. En général, il existe un nombre d tel que
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